AVS21: la droite au royaume de la mauvaise foi

Après nous avoir sorti l’argument bullshit par excellence que cette réforme permettrait d’atteindre l’égalité, place maintenant au catastrophisme quant à la situation financière du fonds AVS21 ! Jugez plutôt: « Sacrifier les générations futures », « La montagne de dettes de l’AVS augmente d’année en année » ou encore « l’AVS est au bord de la faillite »… il ne manque que les nuages de sauterelles dans ces prédictions calamiteuses.

Alors, la caisse de l’AVS est-elle vraiment en si piteux état ? Sûr que non. Les chiffres le démontrent. D’après compenswiss, L’AVS clôt son exercice 2021 sur un résultat de répartition positif de 880 millions. Si on regarde les chiffres en comparaison avec les années précédentes, on observe une hausse depuis 2019. Ces chiffres pour le résultat de répartition sont la différence entre les cotisations encaissées et les rentes versées. Elles ne tiennent pas compte des placements. Cette évolution positive est principalement due à la réforme fiscale et de l’AVS (RFFA) acceptée en votation populaire. La réforme a fait augmenter les cotisations à l’AVS de 0,3%. Grâce à cette hausse, il y a un excédent de 570 millions de francs. Ce résultat positif s’est confirmé en 2021.

Ainsi, fin 2021, la fortune de l’AVS est proche des 50 milliards. Et elle augmentra encore les prochaines années. On est donc très loin des scénarios apocalyptiques que le Conseil fédéral et la droite prédisent depuis de nombreuses années pour justifier leurs réformes anti-sociales.

Vous me direz: mais alors que fait-on du vieillissement de la population ? Il est vrai que l’arrivée des baby-boomers à la retraite remet ce sujet sur la table – alors qu’il n’a rien de neuf. Le système de répartition fait que le nombre de retraités doit être mis en relation avec celui des actifs. L’argument brandi par la droite « les jeunes vont payer pour les seniors » est absurde, en ce sens que c’est ainsi qu’a été constituée l’AVS : les actifs cotisent pour les retraités. C’est donc sur le nombre d’actifs qu’il faut agir, notamment en partageant le temps de travail, ce qui permettrait de créer des emplois. Une baisse du temps de travail à salaire égal ne serait d’ailleurs que justice, attendu que la productivité des des travailleuses et travailleurs ne cesse d’augmenter depuis la création de l’AVS.

Et s’il est vrai que les actives et les actifs sont important-e-s pour alimenter le fonds, une chose est certaine: ce n’est pas en augmentant l’âge de la retraite des femmes, et de tout le monde, que l’on peut s’attendre à une amélioration. Au contraire. En effet, c’est augmenter artificiellement l’activité de personnes qui, dans leur tranche d’âge, connaissent un chômage 68% plus élevé que la moyenne. On comprend donc qu’augmenter l’âge de la retraite, c’est tout bonnement augmenter le chômage et le recours à l’aide sociale. Repousser le problème ailleurs, et tant pis pour celles qui finiront ainsi leur parcours professionnel.

Pour la bonne mesure, un petit rappel salutaire: la droite nous dit que l’égalité salariale est un autre sujet et qu’il ne faut pas le lier à l’AVS. Or, rien ne saurait être plus faux. Aujourd’hui, l’écart salarial est tel que le seul fait d’atteindre enfin l’égalité permettrait un apport de 825 millions au fonds AVS. Étonnant donc que ceux qui jouent les Cassandres sur les rentrées de l’AVS soient les mêmes qui refusent toute mesure concrète pour parvenir à cette égalité salariale. Étonnant… ou pas.

Alors oui, il y a urgence, urgence d’agir réellement pour l’égalité et surtout urgence d’augmenter les rentes, mais il n’y a aucune urgence à renforcer le financement de l’AVS par l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes ou par l’augmentation de la TVA – encore moins en cette période d’inflation galopante !

La réduction du temps de travail avec le même salaire : UNE solution à bien des maux !

Les femmes qui gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes, une productivité du travail qui ne cesse d’augmenter, des inégalités qui se creusent toujours plus, un jour du Dépassement de la Terre qui avance année après année sont autant d’exemples qui démontrent que l’économie actuelle met sous pression notre société, la santé des travailleuses et travailleurs et notre environnement. 

Même s’il y a des mesures ciblées pour chacun de ces exemples, une solution commune existe: Il s’agit de la réduction du temps de travail à salaire égal !

 

Depuis plus d’un siècle, la revendication de réduction du temps de travail revient dans les discussions politiques et syndicales. Déjà en 1886, une manifestation pour la journée de huit heures tournait au massacre à Haymarket Square à Chicago. Trois ans plus tard, en souvenir, la Deuxième internationale proclamait le 1er mai “journée de lutte du mouvement des ouvriers et ouvrières”. En 1918, la réduction du temps de travail fait partie des revendications principales de la Grève générale menée en Suisse. Le mouvement féministe a contribué à ces luttes. Les féministes voulaient et veulent encore aujourd’hui obtenir également que le travail de reproduction soit aussi reconnu comme un travail socialement nécessaire et que le travail, rémunéré comme non rémunéré, soit réparti plus équitablement. Cette revendication figure d’ailleurs dans le manifeste de 2017 « Pour un socialisme pleinement féministe » des Femmes socialistes suisses repris par le Parti socialiste suisse et dans le manifeste de la grève des femmes du 14 juin 2019. Depuis, une motion de Tamara Funiciello a été déposée au Conseil national et sera prochainement débattue.

Une revendication syndicale, politique et féministe qui se révèle également écologiste. En effet, le mouvement de la Grève pour l’Avenir en fait son thème principal de la journée de mobilisation du 9 avril prochain.

Une solution résolument féministe

 

Aujourd’hui encore, le travail rémunéré et le travail reproductif non rémunéré sont répartis de manière très inégale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, les femmes participent de plus en plus à l’activité professionnelle et travaillent plus que les hommes si l’on fait l’addition du travail non rémunéré et rémunéré. Ainsi, 9,2 milliards d’heures de travail non rémunéré ont été effectuées en 2016, pour une valeur de 408 milliards de francs, dont deux tiers par des femmes. Malgré cela, elles gagnent toujours environ 20% de salaire en moins. Cette répartition inégalitaire ne désavantage pas seulement les femmes dans leur vie professionnelle. En effet, en cas de divorce et séparation ou lorsqu’elles partent à la retraite, elles ne parviennent guère à se constituer un capital suffisant dans le deuxième ou le troisième pilier. Un tiers des femmes n’ont pas de deuxième pilier et elles disposent en moyenne d’une retraite inférieure d’un peu moins de 37 % à celle des hommes. Une situation qui augmente le risque pour les femmes de se retrouver dans une situation précaire et qui s’observe également par le fait que les femmes sont plus tributaires que les hommes  de prestations complémentaires. Ce sont là quelques unes des raisons pour lesquelles les féministes de gauche disent non à AVS21.

 

La réduction du temps de travail à salaire égal est une réelle opportunité pour davantage d’égalité. Réduire le temps de travail offre plus de temps pour le travail reproductif et permettra ainsi de tendre vers une meilleure répartition à la fois du travail rémunéré et du travail reproductif au sein d’un couple, et donc d’améliorer la conciliation entre travail et vie privée. Cette solution permet ainsi de réaliser deux avancées: une répartition plus juste des revenus et de la fortune et une meilleure reconnaissance du travail de care.

 

Une proposition qui profitera aux travailleuses et travailleurs

 

La santé psychique et physique des travailleuses et travailleurs est mise à mal. Les résultats de récentes études démontrent que le Job Stress Index moyen des personnes actives en Suisse s’est encore détérioré en 2020 et cette détérioration est considérée comme étant significative par rapport aux indicateurs des enquêtes de 2014 et 2016.

Bien que la productivité ce cesse d’augmenter, nous en sommes toujours à des cadences de plus de 40 heures de travail hebdomadaire. De plus, les salaires réels stagnent. Une croissance importante du montant total des grandes fortunes durant ces dernières années, ainsi qu’une répartition de la richesse toujours plus inégale sont observées. Le système actuel se fonde sur la maximisation du profit individuel. De plus, les grandes entreprises n’ont eu aucun scrupule à reverser des dividendes et de maintenir des écarts salariaux moyen allant jusqu’à 1 :137. Sur la base de ce constat, les gains de productivité doivent être mieux redistribués et il n’est que justice que les travailleuses et les travailleurs qui génèrent ces gains puissent également en profiter. Et la réduction du temps de travail à salaire égal permet cette redistribution plus juste.

Qui plus est, introduire une telle mesure ne retire pas un volume de travail du marché du travail, mais le répartit sur davantage de personnes. La réduction du temps de travail à salaire égal permet ainsi de créer des emplois par le partage, tout en œuvrant à une répartition plus juste des revenus et de la fortune, voie royale vers une plus grande justice sociale. Ceci est d’autant plus important dans un monde du travail, où le travail manuel est remplacé par l’automatisation. Il en va de même pour la numérisation croissante.

Les fruits des progrès technologiques doivent profiter à toutes et tous et non uniquement servir à augmenter les profits des plus riches. De plus, l’Islande donne l’exemple: la semaine de quatre jours y a été expérimentée pendant 4 ans avec des résultats positifs. La productivité de l’économie n’a pas diminué, au contraire, et le bien-être au travail a augmenté.

 

Une mesure pour permettre un avenir sur notre planète

 

“Il n’y aura de véritable protection du climat que si le capitalisme est fondamentalement modifié”, affirme l’écrivaine et activiste canadienne Naomi Klein. En effet, le système actuel se fonde sur la maximisation du profit individuel et beaucoup y sont perdantes et perdants dans le monde. Pour une meilleure qualité de vie pour toutes et tous, le besoin de structures collectives qui favorisent le bien commun, l’équilibre et la justice semblent évidents. De même, un changement des circuits d’échanges commerciaux est nécessaire, pour miser sur la proximité.

La réduction du temps de travail est également bénéfique pour le climat car elle permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’exploitation des ressources naturelles par une baisse substantielle des rythmes de travail. Quand on sait que les 1 % les plus riches de la planète émettent 30 fois plus que les 50 % les plus pauvres (et 175 fois plus que les 10 % les plus pauvres, on comprend l’importance d’une meilleure répartition des gains de productivités et la réduction du temps du travail à salaire égal y contribuerait.

La consommation fait partie des enjeux de la reconversion écosociale de l’économie mais les choix de production le sont encore plus. La production ou plutôt la surproduction est aussi génératrice de gaspillage. Un gaspillage qui doit cesser et qui peut être atténué par une réduction du temps de travail.

 

Appauvrir l’Etat c’est nous appauvrir toutes et tous

L’activation et la simplification des indemnités RHT, la possibilité de solliciter des cautionnements ou des aides financières ciblées sont autant d’exemples de mesures dont les entreprises de notre pays ont pu bénéficier pour faire face à la situation plus que particulière qui a suivi l’arrivée dans notre société et dans nos vies du virus COVID-19. Ces mesures ont démontré l’importance de l’État en de telles circonstances, au point qu’il serait de mauvaise foi de nier le rôle essentiel que l’État et les services publiques ont joué pour nous permettre de traverser cette crise.

Pour pouvoir jouer ce rôle, l’État a besoin de ressources, qui proviennent forcément de la fiscalité ou de la parafiscalité. Mais malgré cette évidence, la droite bourgeoise de notre pays ne cesse de diminuer les revenus de l’État et ceci depuis les années 1990 : abolition de l’impôt fédéral sur le capital, la RIE 2 qui fit baisser l’imposition des capitaux et RFFA qui a diminué les impôts pour les banques et les assurances par exemple.

Malgré ces baisses répétées, pudiquement appelées « réformes », la droite n’en reste pas là. Elle a le cynisme d’aller encore plus loin, alors même que les effets économiques de la pandémies se font toujours ressentir, en proposant la suppression du droit de timbre (droit d’émission). Cette suppression priverait ainsi l’État de 250 millions de francs chaque année.

Une fois de plus les partis bourgeois essaient de nous faire croire qu’ils se la jouent bon prince envers les PME de notre pays, alors que cette hypocrisie cache la volonté d’avantager une toute petite minorité d’entreprises, les plus grosses. En effet, 99,7% des entreprises ne sont pas concernées par cette suppression. Elle ne fera que permettre à des multinationales de ne rien payer quand elles émettront de nouvelles actions, alors que la finance n’est même pas soumise à la TVA. De plus, c’est faire le jeu de grandes entreprises qui, malgré la crise et en dépit d’avoir touché des aides étatiques, n’ont eu aucun scrupule à reverser des dividendes et de maintenir des écarts salariaux moyen allant jusqu’à 1 :137.

Et pendant que la droite accorde de nouveaux privilèges aux entreprises les plus puissantes de notre pays, qui affichent des bénéfices mirobolants, pour la population ce sont les loyers et les primes maladies qui augmentent et les salaires qui stagnent. Le pouvoir d’achat n’augmentant pas, la précarité continue à progresser dans notre pays.
En 2019, 735’000 personnes étaient touchées par la pauvreté dont 155’000 d’entre elles occupaient un emploi. Des inégalités sociales qui ne devraient pas exister dans un pays riche comme le nôtre.

Qui plus est, réduire davantage les impôts des personnes morales, c’est faire peser de plus en plus fortement le poids de la fiscalité sur les personnes physiques. La taxation des salaires, des rentes et de la consommation deviendront les seuls sources de revenu substantielles pour l’État. Et ne nous leurrons pas: même si la crise COVID-19 semble arriver à son terme, ce dont tout le monde se réjouira, une autre crise attend: le dérèglement climatique. Et pour y faire face, là aussi, des moyens seront nécessaires et c’est vers l’Etat qu’il faudra se tourner pour les engager.

Alors si nous voulons pouvoir investir pour les enjeux de demain, commençons par nous en garder les moyens en disant NON à cette inacceptable suppression.

Ce n’est pas bien de se défausser, Monsieur le Conseiller fédéral !

« Ce n’est pas moi, c’est lui ! » Je m’attendais à une autre réponse du Conseiller fédéral Parmelin au débat d’Infrarouge de la RTS du 12 mai quant à la question « comment fera-t-on pour assainir les sols pollués aux pesticides de synthèse ? ». On s’attendait à une réponse claire de la part du Président de la Confédération, mais au lieu de proposer des solutions à cette situation, il a préféré trouver un autre coupable, l’industrie. Une posture peu digne d’un Conseiller fédéral, même s’il n’est pas faux qu’une des sources de pollution des sols sont les anciennes activités industrielles. La réponse correcte aurait été « avant de définir les méthodes d’assainissement, nous devons connaître l’état de pollution des sols, et l’impact de l’ensemble des substances présentes dans celui-ci….».

 

La position fuyante du Conseiller fédéral démontre le manque d’intérêt pour la problématique des sols de la part du Chef de l’Agriculture et de l’Économie. Durant ce débat, les opposants aux initiatives pesticides déroulent leurs arguments pour tenter de nous convaincre de ce qui est bon pour l’agriculture et surtout pour notre assiette. Aucun n’est prêt à admettre que l’utilisation de pesticides de synthèse représente un souci de santé au travail, ceci alors que d’autres pays ont classé la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle pour le milieu agricole. La Suisse est hélas assez forte dans ce domaine : fermer les yeux sur l’impact de substances nocives, produites par une industrie nationale agressivement lobbyiste. Souvenez-vous du combat acharné pour faire admettre que l’amiante peut être mortelle !

 

Ces substances nocives, si elles s’accumulent dans nos organismes, s’accumulent de façon évidente aussi dans nos sols, induisant des dégâts tout aussi graves. Rappelons que la fonction première d’un pesticide de synthèse est de lutter contre les organismes vivants. Nous ne connaissons pas grand-chose sur leur écotoxicité, sur leur biodégradabilité et donc leur persistance. C’est seulement récemment que nous avons eu une première indication sur la présence de ces substances dans les sols agricoles. Ces substances ne font même pas partie de la liste à analyser systématiquement dans le diagnostic de pollution des sols. Depuis les années 1990, nous nous concentrons principalement sur les métaux lourds et certains hydrocarbures, des reliquats de l’industrie et du trafic routier. Alors qu’on arrête de me dire que dans cette discussion, on se soucie de la ressource qu’est le sol. L’homologation de ces produits ne tient pas assez compte du principe de précaution. Ce que j’observe c’est que tout va lentement, trop lentement, et qu’on joue aux apprentis sorciers en répandant ces substances dans notre environnement sans aucun suivi.

 

Tout comme l’eau, le sol est indispensable à notre survie. C’est le cas pour notre alimentation, mais le sol est aussi l’interface entre le monde minéral et biologique, le support pour la faune et la flore. Il participe à la préservation de la biodiversité. Ne pas préserver le sol, c’est détruire la biodiversité, la vie. Ne pas protéger la vie du sol, c’est réduire le volume de matière organique qui participe à la fertilité du sol. Une matière organique dont le monde scientifique s’accorde à dire qu’il est plus que nécessaire de l’augmenter pour faire face au réchauffement climatique, puisqu’elle permet de capter le CO2 et in fine de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

 

Alors, Monsieur le Conseiller fédéral, il est trop facile de trouver d’autres coupables à l’état préoccupant de la santé des sols. En tant que pédologue, je ne peux pas me contenter de telles réponses à court terme ou passéistes quant à l’origine de la pollution des sols. Les pollutions liées directement à l’industrie font partie du passé, même si leur assainissement n’est pas du tout résolu. J’aimerais qu’on se concentre sur l’avenir. En tant que politicienne, j’attends que le Conseil fédéral ose prendre des décisions sans céder à la pression des lobbys agricoles et agro-chimiques. Travaillant dans un syndicat, j’attends que le Ministre de l’Économie prenne ses responsabilités pour garantir des conditions de travail sans risque, notamment dans le milieu agricole. Et en tant que maman, j’aimerais qu’un Conseiller fédéral ait une vision à long terme de la gestion des ressources naturelles, et s’engage pour les générations futures. J’espère toutefois que vous assumerez la responsabilité d’expliquer un jour à mes enfants que l’infertilité ou les problèmes neurologiques, en augmentation, sont dus à votre inaction politique !

 

Une chose est sûre, même si les initiatives du 13 juin ne sont pas parfaites, je voterai deux fois oui ! Il est temps qu’on ait une vision à long terme et qu’on dépasse la seule logique du profit économique. Ceci pour permettre un avenir plus durable, par un réel soutien à l’agriculture en menant à bien cette reconversion nécessaire !

Les applaudissements ne suffiront pas   

Depuis plusieurs soirs, les infirmières et infirmiers et tout le personnel soignant et au chevet des malades (hôpitaux publics, soins à domicile, homes pour personnes âgées, etc.) sont applaudis depuis nos balcons. C’est peut-être un parent, la mère du camarade de notre petit dernier, un voisin ou encore une amie d’enfance, qui est en première ligne pour faire face au Coronavirus. Des personnes qui exercent le plus souvent ces métiers davantage par vocation que par appât du gain. Au contraire même, le personnel soignant subit depuis plusieurs années la politique des mesures d’économie aux échelons fédéral et cantonal, souvent au profit du secteur privé. Toujours moins d’Etat alors qu’aujourd’hui ce sont principalement les services publics qui assument…

Saviez-vous qu’il y a encore quelques jours, l’ensemble du personnel hospitalier et donc les personnes travaillant en contact direct avec les malades atteints du coronavirus pouvaient aller jusqu’à 60 heures hebdomadaires ? Mais avec les décisions du Conseil fédéral de la semaine dernière, cela va encore plus loin. Le personnel hospitalier n’est plus protégé par la loi qui limite la durée du travail et qui garantit des temps de repos. Une vocation écrivais-je en préambule. Encore plus en cas de crise ! Un travail héroïque, mais un travail souvent à la limite de la rupture. C’est pourquoi les mesures prises dans le cadre de la crise ne doivent pas être un prétexte pour généraliser à terme cette situation. Ceci alors qu’une réelle valorisation de ces professions, majoritairement féminines, doit avoir lieu. La pénurie dans ce secteur nous guette, c’est pourquoi de meilleurs salaires, des meilleures conditions de travail et des moyens dans la formation doivent être investis à futur.

Car si le personnel de la santé est sous pression, ce n’est pas uniquement de la faute au Coronavirus : la logique néolibérale est aussi passée par là. Et l’action du Conseil fédéral le démontre bien. Le Coronavirus est bel et bien présent, les mesures prises – certes pour le bien de la population- servent aussi à permettre que notre système de santé public puisse absorber une telle pandémie sans saturer. Un système dans lequel on a diminué le nombre de lits de soins intensifs et dont on a baissé les budgets depuis plus de 20 ans.

Et si le « confinement » est nécessaire, c’est peut-être aussi parce ce que nous manquions de matériel (tel que les masques ou tests de dépistage) pour mettre en œuvre d’autres solutions. Des économies ont-elles également eu lieu dans ce domaine ? Les réponses viendront plus tard.

Mais une chose est sûre, même si les mesures de confinement sont évidemment pour le bien de le population suisse, nous ne pouvons que remarquer qu’elles sont limitées car le gouvernement essaie de préserver l’économie suisse. D’un côté, pour le personnel hospitalier, le Conseil fédéral suspend les dispositions de la loi sur le travail relatives au temps de travail et de repos, alors que d’un autre côté, il peine à prendre des mesures pour suspendre l’économie comme le Tessin a eu le courage de prendre (en se faisant rabrouer, d’ailleurs). La fermeture de toutes les industries et chantiers « non essentiels » est une nécessité, d’une part pour réduire le risque d’infection et qui permettrait de soulager le personnel soignant et d’autre part, si la Confédération devait qualifier d’« illégale » cette décision tessinoise, les usines fermées ne pourraient pas demander de compensation financière.

A l’évidence, à l’issue de cette crise, il sera grandement nécessaire d’évaluer l’impact sur la gestion de la pandémie des mesures d’économie faites dans notre système de santé. Le Coronavirus a bon dos, mais le mise sous pression n’est pas simplement et purement due aux mesures pour enrayer sa propagation. Un bilan sera inévitable, mais avant cela, il est nécessaire que le Conseil fédéral ait une discussion avec les partenaires sociaux pour que toutes et tous les travailleuses et travailleurs soient également protégé.e.s et que le personnel soignant se sente soutenu dans son effort.

J’étais convaincue avant la crise que notre système devait changer. Ceci pour atteindre un fonctionnement de société durable. J’en reste convaincue. Cet épisode sera peut-être le détonateur ou peut-être pas. Mais une chose est certaine : pour que notre société soit plus durable, nous devons aussi et enfin valoriser le travail du personnel soignant. Un travail tout simplement vital auquel je dis MERCI !

 

Le changement climatique implique de revoir aussi notre rapport au travail

Changer sa façon de se nourrir, de se déplacer, de se chauffer, de consommer sont les défis pour faire face au réchauffement climatique. Des défis gigantesques qui devront être relevés par l’ensemble de la société. Dans cette équation, ne devrions-nous pas également ouvrir un autre débat ? Celui qui concerne l’évolution du travail, en lien avec la transition écologique ?

 

Une quadragénaire et un jeune homme. Habillés de leur tenue orange, ils sont les deux perdus là au milieu des clients qui s’agitent d’une caisse à l’autre. Une dame scanne les prix de ses courses de la semaine, ici un vieux monsieur scanne sa carte du magasin, là encore une bande d’étudiants scannent les sandwichs et boissons de midi. Tout ce petit monde scanne et scanne encore, de quoi alimenter les serveurs informatiques du grand distributeur. Le jeune homme et sa collègue eux attendent. Attendent de pratiquer un contrôle sporadique ou plus fréquemment de vérifier l’âge d’une cliente qui s’est offert une bouteille de Pinot noir de la région. Pendant ce temps, les habituelles caisses restent désertes ou presque, le client fait désormais le travail des employés du magasin, sans même réclamer de salaire.

Aujourd’hui comme hier, le monde du travail subit en première ligne les évolutions de notre société. Il subit plus exactement les dérives de ces évolutions mal encadrées. D’un côté, les milieux économiques appellent à toujours plus de flexibilisation, ce qui met bien souvent l’employé-e sous pression et d’un autre côté, ces mêmes milieux prennent peu de décisions pour accompagner les travailleurs et travailleuses touché-e-s par la digitalisation. Une évolution technologique qui, tout comme transition écologique, iront pourtant de pair afin de ne laisser personne sur le bas-côté et permettre une répartition juste des richesses.

 

L’OCDE estime que près de 25% des emplois seront directement concernés par la robotisation et, en partie, menacés. Malgré cet état de fait, le Conseil national n’a pas adopté une proposition qui aurait permis d’évaluer l’introduction d’une taxe sur les robots. Une taxe qui permettrait de financer la reconversion des personnes impactées par la transition : Nos deux employés de supermarché par exemple, mais aussi le personnel de guichets à la banque ou à La Poste, enfin là où il existe encore des offices. Toutes les personnes dont le travail risque bien d’être effectué bientôt par une machine ou un algorithme. Ne rien faire en attendant les effets d’un tel changement n’est pas défendable. Et peut-être rappeler que toutes avancées technologiques sont souvent aussi issues d’investissements publics dans l’innovation. C’est pourquoi il ne serait pas cohérent que l’évolution technologique ne profite qu’à une part infime de notre société.

 

Dans le domaine de l’écologie, c’est un peu plus nuancé. Il est vrai que, d’un côté, des emplois vont être créés par l’investissement dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie, mais, d’un autre côté, le sujet des emplois fossiles est rarement abordé. En effet, se passer de pétrole, c’est aussi se passer des emplois qui vont avec. Bien que nous ne soyons pas le pays le plus pétrolier au monde, nous devons nous préparer à ce qu’à terme, des emplois disparaissent dans les raffineries, les cimenteries ou autres industries grandes consommatrice de combustibles. Nous devons nous soucier de toutes ces personnes. De leur côté, les lobbys des actionnaires sont déjà à l’œuvre pour préserver leurs intérêts. Pourtant, il serait plus juste de protéger les intérêts collectifs des travailleurs et travailleuses, non ?

 

Nous savons que le tissu économique devra se diversifier et que nous devrons nous questionner pour quitter la logique productiviste (ce qui fera l’objet d’un prochain article), mais pour que nous puissions tendre à une société véritablement écologique sans causer de dégâts sociaux, il faudra également rassurer et assurer les personnes travaillant dans les secteurs dépendant des énergies fossiles que la transition se fera avec eux. Mais pour cela, il est nécessaire de mettre en place des mesures strictes. Non sans consultation et participation des différentes actrices et acteurs, mais dans l’intérêt de toutes et tous. Augmenter les droits sociaux, lutter contre les licenciements et un droit à la formation continue sont ainsi parmi les défis pour garantir un avenir professionnel à toutes et tous. Mais à moyen terme, même si je ne me fais d’illusion dans l’immédiat, nous aurons besoin de réduire notre temps de travail. Ceci dans un souci de répartition des richesses, certes, mais aussi pour nous laisser plus de temps pour vivre autrement, pour préserver notre environnement.

 

A Berne, je m’engage à lutter pour obtenir ces droits et protéger les personnes qui en auront besoin.