Les chroniques du #FerARepasser

#STOPBonnant – ou lorsque l’éloquence ne suffit plus.

J’aurais pu débuter ce court pamphlet par le célèbre „Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra? Quamdiu etiam furor iste tuus nos eludet? quem ad finem sese effrenata iactabit audacia?”, mais je ne le ferai pas, pour deux raisons; la première est que Monsieur Bonnant tient plus de Verres que de Catilina, et la seconde, plus essentielle, est que ce n’est pas sur le plan de la rhétorique que je me positionnerai aujourd’hui, mais sur le fond. Je dis donc simplement:

#StopBonnant.

Cela fait longtemps que son verbe emphatique mais stérile se déverse dans les médias et les scènes les plus diverses, bête de cirque terriblement performante pour l’audimat. Tel Miss Univers, son show excite les pulsions des jeunes coqs inexpérimentés tout en ravivant la flamme molle de ceux de sa génération. Sous prétexte de surmoi, il ne touche que le ça, et ça fonctionne parfaitement. Une reine de beauté plaît, et on ne lui en demande en général pas plus.

Le problème avec l’avocat du bout du lac est que par la beauté de son verbe choisi et de sa rhétorique fulminante, lorsqu’il ne défend pas quelque riche crapule, il fait mine de nous transmettre de brillantes idées, qui pour la plupart du temps sont au mieux vieillies, souvent sinistres et au pire discriminatoires envers les femmes, les non judéo-chrétiens ou les plus faibles.

Si Miss Univers ravit par la beauté de son physique, il n’y a en général pas de corrélation avec la beauté de sa pensée, pour laquelle nous n’avons que peu d’attente. A défaut de plumage, le Mister francophonie de l’éloquence ravit par son ramage ; mais là non plus, il n’y a pas corrélation avec la beauté de sa pensée; et pourtant trop se laissent gruger.

Si beaucoup prennent plaisir à ses performances dans quelques joutes oratoires sans conséquences au sein de coteries estudiantines, on a assisté mardi 21 mai dernier à une farce d’un tout autre calibre. C’est ainsi que « Maître Bonnant » s’est donné en spectacle en tant qu’avocat de la défense lors d’une audience publique au tribunal de Sion. Vous en lirez le récit instructif dans l’article de Xavier Lambiel >ici. Le show réalisé par Monsieur Bonnant a tellement flatté son auditoire de groupies d’extrême droite que le juge a dû rappeler: «On n’est pas au cirque». Ce jour là, les mots choisis et la rhétorique du septuagénaire servaient l’ineptie suivante sous les vivats de l’assemblée « L’islamophobie est non seulement légitime, mais c’est le devoir de toute intelligence structurée dans notre civilisation judéo-chrétienne ».

Nous n’avons pas le droit de nous laisser tromper par le parfum musqué de son verbiage autour de sa pensée malodorante et dangereuse. Il est dès maintenant de notre devoir de dire:

#StopBonnant.

Le Dorian Gray de l’éloquence française a fait son temps. La justice s’occupera un jour, peut-être, de ses activités côté jardin, mais son activité côté cour doit prendre fin aujourd’hui. Il ne s’agit pas ici de lui interdire de parler, comme personne n’interdit à une Miss Univers vieillissante de se montrer. Mais ne lui offrons plus les tréteaux pour se produire en public, où malgré son âge, il se plaît à diffuser ses idées fétides, sous couvert de libre pensée, dans des esprits momentanément éblouis. Ne le laissons plus répandre son compost, joliment ciselé mais malodorant, sur le terreau de l’extrême-droite. Et offrons ces planches libres à la génération en devenir, qui, sur des idées belles et neuves, saura polir son éloquence et nous refaire rêver !

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