Les chroniques du #FerARepasser

Pourquoi j’ai pleuré en entendant Michelle Obama #EnoughIsEnough

First lady Michelle Obama speaks during a campaign rally for Democratic presidential candidate Hillary Clinton Thursday, Oct. 13, 2016, in Manchester, N.H. (AP Photo/Jim Cole)

Il est des jours où mon féminisme va au delà de mon fer à repasser. Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas touché ma pile de repassage.

Aujourd’hui j’ai pleuré; pas à chaudes larmes; juste au coin des yeux, avec la mâchoire qui tremble un peu; discrètement, un peu comme on le fait au cinéma.

Pleuré? Mais pourquoi?

Bêtement, pour un discours tenu par un second couteau lors d’un meeting électoral des élections américaines. Mon attention avait été attirée par cet article du Temps (lien vers l’article et le discours entier, ou alors ici à la RTS pour une version raccourcie et sous-titrée (4′)):

L’article du Temps qui a attiré mon attention.

Après un premier moment d’admiration pour cette femme sur la forme et la maîtrise du discours, une réflexion sur les conséquences sur l’issue du scrutin, restait soudain la question : pourquoi cela me touche moi, si fort? Et pourquoi toutes ces autres réactions émues en suisse aussi.  Alors que Michelle Obama ne nous apprend rien de neuf sur rien ni personne, que  nous ne sommes pas concernés par cette campagne (du moins pas directement), et que ce discours fait probablement partie d’une brillante stratégie politique orchestrée par l’équipe de Hillary Clinton.

Et les réponses arrivent. Simples. Evidentes. Terribles:

Et là je me dis avec elle: “Enough is enough!”

Partout, constamment…

C’était ce vendredi 14 octobre, en fin d’après-midi… Et puis, coup sur coup dans la demi-heure qui suit, je tombe sur trois infos, brûlantes, qui viennent se loger dans les plaies fraîchement ouvertes. Je n’ai pas trié ni cherché, et laissé les DSK et autres cas emblématiques plus proche de nous là où ils étaient. Je me rends alors compte qu’une fois l’oeil rendu attentif, il trouve cette chienlit partout… Et oui, “it hurts”.

Voilà les trois infos, sous trois formes classiques de la violence faite aux femmes:

1. La forme humoristique

Libération (ici) m’apprend qu’à la télévision française, on tolère allègrement agression sexuelle et dénigrement public … sous couvert d’humour trop médiocre…

2. La forme népotique complice

On apprend aussi que le népotisme n’a aucune peine et fait bon ménage avec la prédation sexuelle (lorsque Bolloré (à la tête de Vivendi et Canal +) impose et soutient indirectement Morandini, accusé de harcèlement sexuel et de corruption de mineur), avec quelques détails ici.

 

3. La forme où le bourreau est transformé en victime

Lorsque un compte rendu dans un journal de référence de la récente “procédure simplifiée” accordée à Warluzel, donne l’impression que l’accusé masculin au comportement notoirement inadéquat est la vraie victime, et que la victime passe pour une profiteuse… Les mâles alpha ont bien fait leur show et leur boulot.

 

La pointe de l’iceberg…

Ces aspects ne me toucheraient cependant pas autant s’ils n’étaient que l’apanage de vieux mâles alpha mal éduqués… Et contrairement à ce que dit la First Lady of the United States, il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg, car la plus grande masse de ces attitudes, gestes, pensées et mots rabaissants sont faits, souvent de manière invisible, par nos collègues, nos chefs, nos pères, nos maris, nos frères ou nos dirigeants. Par moi aussi…

De manière involontaire souvent, avec bienveillance parfois même, nous avons ces réflexes ancrés en nous. Dans un groupe d’hommes inconnus, on imaginera qu’une femme seule sera soit la femme de l’un, soit la secrétaire. On utilisera du mademoiselle pour ajouter à la différence de sexe une différence d’âge. Et il suffit de penser aux situations de conflit, de concurrence, pour voir un collègue bienveillant dégainer les armes du macho pervers. Le pouvoir se bâtit souvent avec la force, et les hommes de l’accabit de Trump utilisent l’arme du rabaissement féminin pour s’affranchir de la moitié de la concurrence. Le machisme et le paternalisme sont le niveau le plus simple et accessible des moyens de puissance.

Comme le dit Michelle Obama, et c’est là un des points qui m’a le plus secoué, le premier moyen de défense est de dire que cela ne nous affecte pas vraiment, de garder la tête au dessus de l’eau, de simuler le détachement, d’accepter que cela fasse partie de la norme. Et avec cela, nous laissons libre cours à ces comportements. Chez les autres, chez soi, chez moi…

Enough is Enough

Bref. Enough is Enough. Michelle a bien parlé. Barack l’a eu fait aussi de manière brillante, glamour même (ici par exemple), mais n’a pas su nous toucher autant. J’espère intimement que son discours aura un choc salutaire non seulement dans la campagne américaine, mais aussi hic et nunc.
Ce ne sont pas les associations féministes qui ont la responsabilité de ce sursaut de dignité; mais bien nous, pères, mères, collègues, dirigeantes, citoyens et tous les autres; parce que ce n’est pas de la politique ni de la psychologie. Parce que c’est dans notre quotidien que cela se passe, et que c’est quotidiennement que nous devons dire “Enough is Enough”, lorsque des êtres humains sont rabaissés, ignorés, moqués, attouchés juste parce qu’ils sont des femmes. Nous sommes en 2016, et ces méthodes perfides pour se sentir fort alors qu’on est faible sont intolérables. Cela n’a plus rien à voir avec la campagne électorale américaine. C’est simplement une affaire d’humanité et de respect. Trop, c’est trop!

 

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