Une première étape vers davantage de responsabilité des multinationales?

Glencore, une multinationale active dans le domaine de l’extraction de matières premières, expulse de force des communautés indigènes au Pérou pour pouvoir agrandir l’une de ses mines : c’est ce que révélait l’association Comundo le mois dernier. Un exemple parmi de nombreux autres qui prouve que les entreprises basées en Suisse ne respectent pas toujours les droits humains et l’environnement dans leurs activités à l’étranger.

Recours au travail des enfants et au travail forcé, appropriation de terres par des expulsions, pollution des rivières et des champs en y déversant des déchets toxiques, autant de comportements de nos entreprises qui ne seraient jamais tolérés s’ils se déroulaient en Suisse, mais qui passent inaperçus quand ils se déroulent à des milliers de kilomètres.

Ces comportements sont inacceptables. C’est pourquoi il faut fixer des règles valables pour toutes les firmes suisses. Depuis des années, les principales organisations non gouvernementales de notre pays actives dans les domaines de l’entraide, des droits humains, des droits des femmes, de la protection de l’environnement, des Eglises, mais aussi des syndicats et des associations d’actionnaires, militent pour des règles contraignantes qui obligeraient les entreprises suisses à respecter les droits humains et l’environnement, dans notre pays et à l’étranger. L’initiative pour des multinationales responsables, sur laquelle la population suisse sera appelée à voter, est aujourd’hui soutenue par plus de cent organisations et cinquante entreprises.

Le Conseil fédéral refuse de fixer des règles

Dans ce domaine comme dans d’autres, l’autorégulation est insuffisante. Elle est par exemple insuffisante pour garantir un droit pourtant ancré dans la Constitution, celui de l’égalité entre femmes et hommes dans notre pays. Alors comment imaginer que l’autorégulation soit suffisante pour faire respecter les droits humains et l’environnement à l’étranger ? C’est pourtant la position défendue par le Conseil fédéral, qui refuse de fixer des règles contraignantes.

Fort heureusement, certains parlementaires ont compris que l’Etat devait agir et fixer des règles valables pour toutes les entreprises. Un contre-projet indirect a été élaboré par la commission des affaires juridiques du Conseil national dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme. Une première étape qui pourrait être confirmée par l’ensemble du Conseil national en juin.

La coalition pour des multinationales responsables, dont Amnesty International fait partie, attend des parlementaires qu’ils fixent enfin un cadre légal contraignant les multinationales suisses à respecter les droits humains et l’environnement, et surtout qu’ils prévoient la possibilité de sanctionner celles qui continueraient à s’en moquer.

Des entreprises sont en faveur d’un contre-projet

Bon nombre d’entreprises ont compris qu’il était dans leur intérêt que toutes les firmes soient soumises aux mêmes règles et que les mesures d’autorégulation prônées par le Conseil fédéral étaient insuffisantes. Certaines se sont prononcées ouvertement en faveur d’un contre-projet qui prévoit des mesures contraignantes, comme le Groupement des entreprises multinationales (GEM, qui regroupe plus de 90 multinationales), ou encore des entreprises comme la Migros ou Ikea.

Un sondage mené l’an dernier auprès d’un échantillon représentatif de la population suisse montrait que la question bénéficie d’une très large sympathie : 77% des personnes interrogées se déclaraient en faveur de règles qui obligent les entreprises suisses à respecter les droits humains et l’environnement dans l’ensemble de leurs activités. Il est plus que temps d’agir pour éviter de nouveaux exemples de violations dramatiques commises par des multinationales domiciliées dans notre pays.

Manon Schick

Manon Schick est depuis 2011 la directrice d’Amnesty International Suisse et s'engage en faveur de la défense et la promotion des droits humains.