Économie collaborative: «Nous ne pouvons pas continuer à laisser les entreprises échapper au droit»

Deuxième partie de l’article «Airbnb et Uber: La Face Sombre de l’Économie de partage» avec l’interview complète de Steven Hill.

Steven Hill est un politologue, écrivain et consultant basé aux États-Unis. Ses articles ont été publiés dans le New York Times, le Guardian ou encore Die Zeit; il a notamment travaillé, en tant que consultant, pour la Commission européenne, le gouvernement américain ou le ministère des Affaires étrangères grec. Ses derniers livres sont Expand Social Security Now!: How to Ensure Americans Get the Retirement They Deserve (2016), Raw Deal: How the “Uber Economy” et Runaway Capitalism Are Screwing American Workers (2015).

Annette Hornischer / American Academy / Steven Hill / 2016 01 21/ 2016 01 21
Steven Hill / Photo: Annette Hornischer

– Leila Ueberschlag: Quelle est votre position par rapport à Uber et Airbnb?

Steven Hill: Uber et Airbnb proposent des services que les gens apprécient. Il faut le reconnaître: ces plateformes répondent à une demande bien existante. Cependant, elles sont aujourd’hui entre les mains de compagnies dont l’intérêt premier est purement financier et dont l’objectif principal est de tirer avantage des travailleurs, sans se soucier de leur bien-être ou du bien-être des communautés. Dans le cas de Airbnb, par exemple, des études indépendantes ont montré que 40 à 50 pourcent du revenu est généré par des professionnels de l’immobilier. C’est cela le vrai visage de Airbnb et non, comme on a tendance à l’imaginer, celui d’un citoyen lambda qui loue de temps à autre sa chambre d’amis pour arrondir les fins de mois.

– Comment les gouvernements réagissent-ils face à ce phénomène?

– De plus en plus de villes commencent à réaliser qu’il est nécessaire de réguler ces nouveaux services. Cependant, les solutions que les gouvernements locaux tentent de mettre en place peinent, pour le moment, à être efficaces. Sans les données d’Airbnb, par exemple, ils n’ont aucun moyen de savoir si les ventes déclarées correspondent à la réalité, si la compagnie paye les taxes hôtelières dont elle devrait s’acquitter et si les logeurs respectent les lois établies. Plusieurs compagnies profitent de ce manque de contrôle et ne paient tout simplement pas de taxes. Cependant, même si jusqu’à maintenant les efforts des états et gouvernements nationaux – que ce soit aux États-Unis ou en Europe – pour réguler la situation n’ont malheureusement pas été concluants, je suis confiant. Sur le long terme, des solutions vont être trouvées.

– Donc, selon vous, davantage de régulations et de lois constituent une réponse à ce problème?

– Absolument. De nombreux cas où des individus se blessent dans des appartements loués via Airbnb existent. Dans de telles situations, le flou juridique qui existe pose problème et bien souvent, les différentes parties se renvoient la balle quant à leur responsabilité. A San Francisco, un chauffeur d’Uber a tué une fillette de 6 ans. Uber a décliné toute responsabilité dans cette affaire, clamant que le chauffeur était un travailleur indépendant. Dans de tels cas, le problème est que le service vient avant les questions légales. Nous ne pouvons pas continuer à laisser ces entreprises échapper au droit; de nouvelles règles doivent être créées et mises en place. Malheureusement, il faut parfois que de terribles événements arrivent pour que les choses évoluent.

– Voyez-vous d’autres alternatives?

– Il y a plusieurs manières d’aborder ce problème. L’une d’entres elles est la création, par des organisations non gouvernementales, d’applications peer-to-peer sans but lucratif. De telles applications, qui mettent en relation – par exemple – des restaurants ou des paysans qui ont un surplus de nourriture avec des personnes qui en ont besoin, existent déjà et vont devenir de plus en plus populaires. La technologie derrière Airbnb et Uber est fantastique. Le problème, pour le moment, c’est qu’elle est entre les mains de compagnies dont le but premier est le profit.

Lire ici le témoignage «Mon père est mort dans un Airbnb et il n’est pas le seul» du journaliste américain Zak Stone.

Leila Ueberschlag

Leila Ueberschlag travaille actuellement pour «The Institute of Network Cultures» de l’Université des sciences appliquées d’Amsterdam, institut consacré à la recherche sur les nouveaux médias. Elle participe à l’organisation de MoneyLab, une conférence sur l’économie digitale. Journaliste de formation.

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