LE BAC À SABLE

Ne faisons pas de projets multimédia, construisons les outils pour les fabriquer!

Voici le dernier projet multimédia du Temps, intitulé «Les enfants de Tchernobyl ont grandi», mis en ligne à l’occasion des 30 ans de la catastrophe.

Sur le fond. Ce projet multimédia met en scène le travail photographique de très grande qualité du photojournaliste suisse Niels Ackermann, qui a choisi, plutôt que de réaliser un énième reportage sur la centrale de Tchernobyl, de documenter la jeunesse de Slavutych. Cette ville modèle fut construite après la catastrophe pour loger les anciens travailleurs et liquidateurs à proximité du site.

Sur la forme. La fabrication de ce grand format photographique correspond à la philosophie que nous essayons de mettre en place au Temps:

«Ne faisons pas de projets multimédia, construisons les outils pour les fabriquer»


1- Le constat de départ

Nous sommes au Temps une petite équipe web. Nous n’avons pas les ressources ni les compétences du New York Times. Si nous voulons essayer de produire des projets multimédia régulièrement, nous devons être malins et réduire nos ambitions.

L’une des erreurs que font beaucoup de médias à mon avis, et que nous avons longtemps faite, est de penser ainsi: nous avons une idée précise du formidable projet que nous voulons faire, réalisons-le! Cette manière de voir les choses est une erreur au sein d’une rédaction.

Car créer un outil de zéro pour un usage unique est chronophage et plein de pièges. La deadline est difficilement tenable, les questions de forme prennent bien souvent le pas sur les questions de fond, et c’est seulement une fois en ligne, donc souvent trop tard, que l’on voit tous les défauts du format: responsive mais pas trop, ergonomie chancelante, temps de chargement interminable, …

Du coup, le projet ne rencontre pas forcément l’audience attendue en raison de ces problèmes. Et le cercle vicieux s’enclenche: quoi, si peu d’audience vu l’investissement, on ne fera plus ça!

2- Penser outil, pas projet: la création d’une boîte à outils

Nous avons décidé de penser différemment, inspiré notamment du modus operandi de plusieurs médias, notamment la NPR. Penser outil, pas projet.

Depuis une année, nous nous sommes constitué une boîte à outils de «templates» simples, des maquettes de code que nous réutilisons, améliorons, adaptons par itérations, au fur et à mesure des projets. Et que nous maîtrisons.

Notre toolbox comporte plusieurs modèles:

– Une maquette de long format, permettant de mêler texte, photos et vidéos
– Un template cartographique, pour publier des cartes Mapbox ou CartoDB, lisibles correctement sur mobile
– Un format Timeline qui est l’un des formats qui capte le plus de temps d’attention de nos internautes

– Enfin, le format de diaporama audio et photos, que la NPR, la radio américaine, a mis en open source et que nous avons adapté. C’est celui que nous utilisons pour le sujet sur Tchernobyl

Ces maquettes sont mises à jour et améliorées à chaque utilisation, par petites touches.

On perd sans doute en créativité: un projet doit exister s’il existe un template pour le faire. Et nous ne consommons du temps de travail de nos développeurs que si le projet peut permettre la création d’un nouveau template et si nous sommes sûrs que ce format sera utilisé à nouveau.

Mais nous avons gagné en productivité.

Le projet sur Tchernobyl est le sixième utilisant ce modèle de grand format photographique.

Nos templates timeline et cartographique a été rentabilisés une bonne quinzaine de fois

Notre module “grand format” a été utilisé cinq fois fois

3- Le fonctionnement au quotidien

Ces templates peuvent être utilisés de manière très simple par n’importe quel journaliste, du moment qu’ils ne soit pas fâché avec la technologie. De quelle manière? Il suffit de récupérer la dernière version du template sur notre boîte à outils, de glisser sur notre notre FTP «Labs» (que nous utilisons pour héberger nos projets multimédia) et d’éditer un fichier pour les textes (exemple ici avec une timeline sur le revenu de base).

A l’avenir, nous sommes en train de réfléchir à la création d’un back-end (une interface de publication) très simple pour encore davantage simplifier l’utilisation de l’outil par le plus grand nombre.

Pour info, ce grand format sur Tchernobyl a nécessité le temps de travail de trois personnes (sans parler bien évidemment du travail du photographe).

 

– Une iconographe a choisi et agencé les images

– Une journaliste a rédigé les textes

– Une personne de l’équipe numérique, en l’occurrence moi, s’est occupé de la prise de son audio et du suivi technique du projet.

Notre grand format avait atteint une audience de 200’000 visiteurs uniques, avait été partagé 3000 fois sur Facebook, avec une durée moyenne de consultation de 2’30 selon Chartbeat.

Photo: Niels Ackermann/Lundi13

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