Le wokisme et la cancel culture : un danger pour notre démocratie!

Cet été, je suis tombé sur un article qui m’a laissé sur ma faim. Non, il ne s’agissait ni d’un meurtre, ni d’un viol et encore moins d’un attentat terroriste. C’était quelque chose de plus surprenant. Un groupe de reggae, composé exclusivement de musiciens blancs, avait eu le malheur de chanter du reggae et de porter des dreadlocks dans une brasserie bernoise. Cela vous fait sûrement sourire, et pourtant c’est vrai. L’évènement remonte au 18 juillet dernier à la Brasserie Lorraine dans la capitale fédérale. Un groupe de reggae local, Lauwarm, a été obligé de mettre fin à son concert avec effet immédiat. En cause? Le malaise d’une partie du public, en fait des adeptes pures et dures de la culture “woke” et de la cancel culture, qui accuse les musiciens du groupe d’appropriation culturelle. Qu’est-ce qui a poussé ces gens-là à agir de la sorte? Cela les dérangeait que des artistes blancs chantent du reggae et portent des dreadlocks. Vous en revenez pas? Et bien moi non plus!

Le groupe de reggae bernois “Lauwarm”

Alain Mabanckou et ses mots censés

Dominik Plumettaz, musicien et membre du groupe mentionné ci-dessus, a choisi Blick pour s’exprimer sur cette pauvre polémique. “Je trouve qu’il est important de débattre de l’appropriation culturelle. Même si c’est bien sûr dommage que cette discussion ait lieu à cause d’un tel incident”. Dominik Plumettaz préfère mettre l’accent sur “l’inspiration” avant d’ajouter que “beaucoup de gens ne savent pas ce qu’est l’appropriation culturelle”. Il ajoute aussi que “le groupe fait du reggae en dialecte bernois avec ses textes, et non pas avec des textes empruntés à la culture jamaïcaine”. Dimanche dernier, dans le 19h30 de la RTS, l’écrivain Alain Mabanckou a eu des mots très censés que je veux souligner. Il a dit que “tous ceux qui se mettent de dreadlocks ne veulent pas s’approprier le reggae. Ils l’empruntent”. Je crois fermement que ce groupe aime la culture jamaïcaine et essaie de la promouvoir ici en Suisse. Ce procès qu’on leur fait est contraire à la pluralité des cultures, chère à ce groupe et à la Suisse en général. Cela aurait pris une autre dimension si le groupe portait des dreadlocks pour se moquer ou anéantir la culture jamaïcaine. Cela vaut aussi pour les cultures asiatiques, africaines ou sud-américaines.

La nécessité du débat

Les adeptes du wokisme et/ou de la cancel culture ne ratent pas une occasion de s’exprimer sur des sujets sociétaux à controverse. La demande de déboulonnage des statues de personnages historiques qui font polémiques, comme celle de David de Pury à Neuchâtel, c’est eux. La demande d’interdiction de vendre la BD “Tintin au Congo”, c’est encore eux. La demande d’excuses pour la chanson d’Annie Cordy “Chaud cacao”, c’est aussi eux. Ce printemps, une psychanalyste venue présenter à l’Université de Genève son ouvrage en faveur de transitions de genres a vu sa conférence interrompue par des manifestants, ils n’ont même pas cherché le dialogue. Ils ont le droit de remettre en cause certaines choses établies depuis des années, mais ils doivent aussi accepter qu’une partie de la population ne partage pas leurs idées. Il ne faut pas effacer notre culture ni notre patrimoine, mais accompagner des statues ou des ouvrages polémiques avec des messages qui expliquent dans quel contexte ça été fait.

Tout cela se traduit par un climat de plus en plus violent dans le débat public sur des sujets de société, pourtant importants. Cela m’inquiète quant à l’avenir du débat d’idées et de réflexion. L’acceptation des opinions différentes, et bien sûr respectueuses d’autrui, fait partie intégrante de notre ADN démocratique. Il faut absolument empêcher une minorité de personnes de prendre en otage le débat.

Pas de lueur d’espoir pour le peuple biélorusse

L’autoritaire président biélorusse Alexandre Loukachenko est un homme plus que jamais isolé sur la scène internationale. Trois jours après le détournement d’un avion de ligne européen pour arrêter Roman Protassevitch, un opposant politique, le Président de la Biélorussie est passé à l’offensive. Ce dernier a martelé que “nos adversaires de l’étranger et à l’intérieur du pays ont changé leur méthode pour attaquer notre Etat. Ils sont passés de l’organisation d’émeutes à une politique d’étranglement”. Il y a une semaine exactement, un avion de chasse biélorusse a prétexté une alerte à la bombe pour détourner vers la capitale Minsk un vol commercial reliant Athènes (Grèce) à Vilnius (Lituanie) avec 170 passagers à bord. L’objectif était d’arrêter l’opposant et sa compagne. Outré, les 27 dirigeants européens ont fermé leur espace aérien à la compagnie aérienne Belavia. Depuis, Roman Protassevitch, le jeune journaliste arrêté, et sa compagne, sont apparus dans des vidéos diffusées par le pouvoir biélorusse. “Je reconnais avoir joué un rôle dans des manifestations à Minsk”, a déclaré l’opposant. Mais Svetlana Tikhanovskaïa, la figure de proue de l’opposition de ce pays de 9,5 millions d’habitants, et les proches dénoncent des déclarations sous la contrainte. Face à ce régime dictatorial, allié fidèle mais encombrant de la Russie, l’Union européenne ne cesse de renforcer au fil des années les sanctions, notamment économiques. Mais de l’aveu même d’Emmanuel Macron, cela ne suffit plus : “Aussi bien sur la Biélorussie que la Russie, aujourd’hui nous sommes à la limite des politiques de sanctions”. Alors les Européens peuvent-ils faire plier Alexandre Loukachenko à coup de sanctions? L’absence de condamnation de Vladimir Poutine laisse-t-elle présager de nouvelles tensions avec l’Union européenne?

Alexandre Loukachenko se maintient au pouvoir grâce au soutien du voisin russe. Face à la perte d’influence dans son arrière-cour, les pays de l’Asie centrale ou ceux du Caucase du Sud, le Kremlin a absolument besoin d’un pays allié et tampon qui sépare la Russie de l’UE. Vladimir Poutine a déjà “perdu” l’Ukraine en 2014, il ne veut revivre un tel scénario avec la Biélorussie. Arrivé au pouvoir en 1994, Alexandre Loukachenko s’est proclamé vainqueur l’été passé d’une énième élection présidentielle truquée et dénoncée par la société civile. Plusieurs villes du pays dont la capitale Minsk ont vu défiler des milliers de manifestants dénonçant les pratiques du régime de Loukachenko. On aurait pu croire à un renouveau politique dans le pays mais hélas l’autoritaire président en a décidé autrement. Il a envoyé ses sbires réprimer brutalement toute opposition, et avec l’aide évidente de la Russie. Au-delà de ces tragiques événements pour la démocratie et l’Etat de droit dans ce pays, je ne crois pas ou plus à une politique de sanctions. Elle est d’un autre temps. Cela fait des années que l’Union européenne sanctionne la Biélorussie mais Alexandre Loukachenko a toujours réussi à se maintenir au pouvoir. Idem pour Bachar al-Assad et ses proches en Syrie. On croyait à sa chute en 2011 et voilà qui vient d’être réélu pour un quatrième mandat. Les sanctions n’ont pas d’effet car des pays comme la Chine ou la Russie soutiennent financièrement ce type de régimes politiques. Alors quid d’une intervention militaire pour faire tomber Alexandre Loukachenko? Celle-ci serait trop risquée et aucun pays de l’UE voudrait affronter la Russie qui répliquerait sans doute. Je crois aux vertus du dialogue mais celui-ci doit être ferme avec Alexandre Loukachenko. Bien que je regrette et déplore qu’aucun des sept membres du Conseil fédéral n’ait reçu officiellement Svetlana Tikhanovskaïa lors de sa venue en Suisse en mars dernier, la Suisse a une carte à jouer. Elle peut et doit servir d’intermédiaire dans les échanges UE – Biélorussie/Russie car elle est un pays neutre qui discute avec tout le monde. Lors du sommet Biden-Poutine à Genève le 16 juin prochain, j’espère que ce dossier sera aussi au menu des discussions entre les deux grandes puissances. Si ce n’est pas le cas, alors il faut impérativement que la Genève internationale organise un sommet sur la Biélorussie avec la présence de tous les acteurs du conflit.

Lors de sa visite en Suisse en mars de cette année, Svetlana Tikhanovskaïa a appelé le Gouvernement suisse à imposer des sanctions ciblées contre le régime de Loukachenko. Photo : ATS

La première chose que les Européens et les Suisses doivent exiger auprès de Minsk est la libération immédiate et sans conditions de tous les opposants politiques. La société civile biélorusse a exigé et continue d’exiger une transition politique après des années de Loukachenko au pouvoir. Faute sinon de voir à mon avis le pays sombrer dans une guerre civile. Pour obtenir des concessions de la Biélorussie, il faut commencer par renouer le dialogue avec Vladimir Poutine sans lui cracher des sanctions au visage. On sait tous que Vladimir Poutine a les cartes en main pour débloquer la situation. Non seulement dans le dossier biélorusse mais aussi sur les dossiers syrien ou libyen par exemple. C’est un acteur indispensable dans bien des conflits et nous avons besoin de lui comme lui a besoin de nous. Cessons d’abord de sanctionner la Russie et peut-être que le Kremlin se montrera prêt à être à l’écoute de nos attentes et de nos craintes. Si l’UE continue à isoler la Russie des grands sujets internationaux, les résolutions de conflit ne verront jamais le jour.