Une Suisse en mouvement

Les droits fondamentaux, l’atout des joueurs de jass

Le Valais révise entièrement sa Constitution et 130 élu-es sont au travail. Une commission est en charge d’élaborer un catalogue des droits fondamentaux pour les Valaisannes et Valaisans. Une grande partie de la discussion se joue autour de la particularité juridique des droits fondamentaux: leur justiciabilité. Ou comment les droits fondamentaux deviennent des “atouts” que nous possédons tous. 

Les droits fondamentaux représentent le socle de la vie en société. Ils délimitent les prérogatives et les libertés des individus. Ces droits vont plus loin que les principes de l’Etat, que les objectifs politiques ou encore que les valeurs qui devraient guider l’action d’un gouvernement. S’ils sont formulés de manière suffisamment précise, avec une volonté de les rendre directement invocables par les individus, ils deviennent de véritables outils de protection. Un individu peut directement les faire valoir face à une administration ou devant un tribunal. Les amateurs de jass apprécieront l’image: les droits fondamentaux sont souvent comparés à des “atouts”. Ils permettent de “couper”, afin de protéger directement des intérêts essentiels des individus. 

Ainsi, une même thématique peut être traitée comme un principe et/ou comme un droit fondamental. On peut intégrer à la constitution le principe suivant: “L’Etat agit de manière durable, en protégeant les ressources naturelles et en garantissant la qualité de vie des individus”. Mais on peut également formuler un droit fondamental: “Toute personne a droit de vivre dans un environnement sain et écologiquement harmonieux.” (proposition actuellement sur la table des discussion en Valais, inspirée par les travaux du Prof. Alexandre Flückiger à l’université de Genève). Le droit fondamental, s’il est suffisamment précis, pourra être utilisé directement par les individus. Le principe ne le pourra pas. Le niveau de protection accordé aux individus est complètement différent.  

Si une personne s’estime lesée dans ses droits, elle peut donc porter son cas devant un juge en s’appuyant sur un droit fondamental. Cette possibilité fait des droits fondamentaux des normes uniques en leur genre. Le Prof. Jacques Dubey de l’Université de Fribourg explique ainsi que “les droits fondamentaux sont considérés comme étant des garanties suffisamment précises et claires en termes de contenu pour constituer le fondement d’une décision individuelle et concrète”*. Un juge peut appliquer ces droits à un cas d’espèce, et ce sans intervention nécessaire du législateur. Le Dr. Gregor Chatton, actuellement juge au tribunal administratif fédéral, définit ainsi cette idée de justiciabilité*. Il s’agit de “l’aptitude de cette norme, lorsqu’elle est invoquée par le justiciable devant une instance d’application dotée de pouvoirs (quasi-) judiciaires, à servir de base dans la décision destinée à trancher les questions juridiques soulevées par le cas d’espèce”. La norme doit être suffisamment claire pour permettre de guider le juge dans le traitement d’un cas.

Pour le travail des constituant-es, il s’agit donc d’être suffisamment clairs et précis pour formuler des droits fondamentaux directement utilisables par les individus. Bien sûr, il est impossible de tout décrire en détail. La responsabilité de mise en oeuvre des droits fondamentaux incombera également au législatif et à l’exécutif. Les droits fondamentaux doivent irradier l’ensemble du système juridique. Par contre, les constituant-es peuvent choisir des formulations aussi claires et opérationnelles que possible afin que les droits puissent être directement invocables. Ils peuvent clarifier leur ambition d’apporter une protection constitutionnelle aux intérêts les plus cruciaux de la population.

* Jacques Dubey, Droits fondamentaux, Zürich: Helbling, 2017, p.19.

* Gregor Chatton, Vers la pleine reconnaissance des droits économiques,sociaux et culturels, Genève : Schulthess, 2013, p. 420. 

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