Une Suisse en mouvement

Ce que le vote valaisan sur le suicide assisté nous apprend

Le Temps

Le vote du jeudi 12 mars 2020 du Parlement valaisan sur le suicide assisté en EMS nous livre une série d’informations intéressantes pour tous les amateurs de politique suisse. Pour rappel, l’alliance PDC-UDC a sorti l’article qui traitait du suicide assisté du projet de loi sur la santé. Les alliés ont plaidé pour l’élaboration d’une loi spécifique sur la fin de vie. Au terme d’un vote à bulletin secret, ils l’ont emporté sur le groupe PLR-Verts-PS par 69 voix contre 57 et 2 abstentions. Je laisse de côté le débat de fond sur l’aide au suicide pour me concentrer sur trois hypothèses politiques qu’on peut tirer de ce vote. Elles vont du Valais à la politique nationale, notamment concernant le positionnement futur du PDC. 

Première hypothèse : le Valais politique confirme qu’il est lancé dans une course au parti le plus conservateur. La bataille fait rage parmi les deux alliés de circonstance PDC-UDC pour se profiler comme celui qui défendra le retour du Valais vers une société rêvée, homogène dans ses valeurs, et marquée par la prééminence de l’Eglise catholique romaine. Il faut prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un conservatisme léger, portant sur une méthode politique qui défend qu’il vaut mieux ne rien changer s’il existe un doute sur l’opportunité de modifier quelque chose. Il ne s’agit pas de prudence devant le changement (un conservatisme de méthode, à lire ici), mais bien plutôt d’un programme politique pour mettre en place cette société rêvée. Nul doute que certains soutiennent ce programme. La question politique qui se pose ici est une question classique : à qui ces électrices et électeurs vont-ils donner leur voix ? A suivre le proverbe selon lequel les électrices et électeurs préfèrent l’originale à la copie, l’UDC valaisanne va continuer de grandir en avançant sur les platebandes du PDC. A terme, le Valais ressemblera au reste de la Suisse.

Deuxième hypothèse : les deux alliances UDC-PDC vs. PLR-Verts-PS nous renseignent sur les rapports de force à venir au sein de la Constituante valaisanne. Elaborer une nouvelle Constitution amène par nécessité à traiter de tous les grands débats de société et c’est justement sur ces débats que la grille d’analyse progressiste/conservateur est la plus pertinente. Comme pour l’aide au suicide, on retrouvera ces deux blocs sur les rapports entre l’Etat et les communautés religieuses, certains droits fondamentaux (égalité/discrimination, droit au mariage), le droit de vote des résidents, certaines missions de l’Etat (politique sociale, politique migratoire). La grille d’analyse gauche-droite est beaucoup moins pertinente ici, car la Constituante ne traite pas de questions budgétaires comme un parlement cantonal. Opposer la gauche à la droite viendrait très exactement obscurcir les conflits internes aux partis dits du “centre”. 

Troisième hypothèse : ce vote nous raconte justement ces tensions internes, notamment au PDC. L’apparente clarté du vote final sur l’aide au suicide ne cache pas que la famille PDC était très divisée sur cette question, avec des distinctions majeures entre le Haut et le Bas et avec les chrétiens-sociaux. Au sein même de la famille PDC, la fraction conservatrice l’a emporté. Au niveau national, le président G. Pfister a lancé un vaste travail de redéfinition de l’identité du parti et il doit très exactement gérer la palette de positions de ses membres sur ces sujets de société. Le PDC doit-il poursuivre une course vers les extrêmes avec l’UDC ? Que peut-il gagner à durcir son discours et à se profiler comme le gardien des valeurs d’une Suisse chrétienne et homogène ? Ou doit-il au contraire adopter un conservatisme de méthode (une saine prudence politique face aux changements) et une défense de la démocratie-chrétienne, sur une ligne proche du Parti Chrétien-social ou à la manière d’un PDC genevois?

Le choix du PDC va impacter un vaste ensemble de questions. S’il fait alliance avec l’UDC sur les sujets de société, il aura une capacité de blocage. Le prix à payer est clair: l’alliance progressiste des autres partis, encore peu enclins à se reconnaitre comme tels, gagnera en visibilité et pourra se profiler comme une alternative. Le PLR serait le grand gagnant de cette approche. A l’inverse, si le PDC recentre sa position, son aile la plus conservatrice rejoindrait l’UDC, mais le reste du parti aurait alors les coudées franches pour construire avec les autres partis progressistes une Suisse ouverte et prêtes à relever les défis à venir. 

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