La vie ressemble à un art subtil et difficile de la chute sous contrôle, sans cesse à la recherche d’un nouveau point d’équilibre. Durant toute notre existence, nous dansons au gré des partenaires et des vents. Au quotidien, ces points d’équilibre s’enchainent sans faire de bruit. Parfois, des points plus importants s’imposent à nous. C’est ce qui m’est arrivé hier lorsque j’ai déposé le petit dernier à la crèche.
En ce lundi matin, le ciel semble à portée de main tellement il est bas. Décor tout gris, ambiance de fin de vacances. La grande sœur commence aujourd’hui l’école enfantine et le voilà en solo à la crèche. Rien de dramatique de ce coté, il connaît déjà tout le monde et saura retrouver sa place. En échangeant quelques mots avec les responsables du groupe, je remarque que les petits casiers de ceux qui ont quitté la crèche n’ont pas encore disparu. La photo de mon ainée brille toujours en haut à droite. L’image se fixe. Elle venait dans cette crèche depuis ses 5 mois, elle adorait l’endroit et les gens. Aujourd’hui, il ne reste que cette photo. L’équilibre se fait bascule. Durant quelques secondes, la musique déraille. On est loin du pas de danse gracieux et parfaitement exécuté. J’ai plutôt l’impression d’avoir été poussé dans le dos.
Ce n’est pas tant l’émotion d’un premier jour d’école, mais plutôt la prise de conscience rapide, intense, presque brutale d’une période qui se referme. Un point d’équilibre qui a tenu presque 4 ans, un monde de rituels rassurants et positifs, un monde protégé pour mieux grandir. Pour mon ainée, ce monde se referme. Elle va trouver un nouvel équilibre. Mais j’avais sous-estimé que ce monde se referme également pour moi. Je retrouverai un nouvel équilibre. Nous le ferons tous. Avons-nous le choix ? Le pas de danse continue, il faut l’imaginer et le vivre joyeux. La mélancolie des points d’équilibre fait partie de ce monde, elle nous rappelle que tout ceci file diablement vite.
