J’ai d’abord cru à un arrangement de coulisses. Une alliance folle entre l’aéroport de Bâle, Paris, Berne et Easyjet pour exposer aux citoyens suisses la nécessité vitale de respecter le droit international. Pour démontrer en temps réel l’erreur d’un petit pays tenté par la voie de l’isolation et de la confrontation. Mais l’affaire n’a rien d’un arrangement. En cette période rentrée scolaire, l’actualité rattrape même les fins stratèges marketing de l’UDC. « Stop avant le choc » diraient certains.
Le conflit entre la Suisse et la France au sujet de l’aéroport de Bâle-Mulhouse pourrait servir de cas d’école à une discussion sur la pertinence du droit international. Loin de l’habituelle litanie sur les horribles juges de Strasbourg et l’emprise tentaculaire des perfides droits de l’homme, le traité international de 1949 relatif à l’aéroport binational traite de questions pratiques. De zones d’échanges, de système fiscal, de passages de marchandises. Un traité qui favorise le commerce et facilite la coopération entre deux pays.
Et voilà que l’une des parties décide de rompre ses engagements. Le traité n’est pour l’heure pas dénoncé en bonne et due forme, mais la France a déclaré ne plus vouloir s’y tenir. Elle impose le principe de territorialité et reprend le contrôle de ce qu’elle considère comme « son » aéroport. Le secteur suisse qui était pour l’heure soumis au régime fiscal suisse va tomber dans l’escarcelle de fonctionnaires parisiens heureux de récupérer quelques louis d’or. Quelques 6'000 personnes réparties dans 120 entreprises s’occupent de près de 6 millions de voyageurs par an. Le bruit des piécettes a sonné doux aux oreilles de Bercy.
L’incertitude n’étant pas l’amie des entrepreneurs, la compagnie Easyjet a immédiatement annoncé le gel des investissements prévus à Bâle. Elle se donne le temps d’observer l’avancée des négociations diplomatiques et de prendre sa décision en fonction du résultat. Le DFAE affiche sa confiance en espérant une solution négociée. Comme l'explique Antoine Schnegg de l'université de Zurich sur le blog du foraus – Forum de politique étrangère, le traité de 1949 prévoit le recours à la Cour internationale de justice de la Haye pour trancher un litige. Pendant ce temps, on imagine aisément que les entreprises de sous-traitants et leurs employés de la région bâloise passent des soirées moins sereines.
Sous nos yeux ébahis, nous voyons à l’œuvre les effets de la potentielle future initiative de l’UDC sur la primauté du droit national sur les engagements internationaux de la Suisse. Nous observons avec intérêt les conséquences néfastes en termes de confiance mutuelle que provoque une rupture unilatérale d’un traité international. Nous contemplons avec stupeur les conséquences économiques immédiates que trainent dans leur sillage l’incertitude et l’instabilité. Nous prenons acte que si la France peut se permettre de défier ouvertement un ami et voisin dans la proximité immédiate d’un centre économique comme Bâle, la Suisse n’a d’autre choix que de chercher à renforcer le droit international.
Berne, Paris et Bâle finiront par trouver une solution. D’ici là, gardons cet épisode bien à l’esprit. Il nous rappelle avec un timing presque parfait la tentation funeste de préférer le règne de l’incertitude à celui du droit. La vraie Suisse souveraine n’a d’autre choix que de renforcer ses engagements internationaux.