J’imagine que ceux qui ont défendu le referendum contre les modifications urgentes du droit d’asile ont connu une semaine difficile. Combien de pauses café, repas et coups de téléphone pour se demander comment et pourquoi ? Presque 80% des votants contre sa position, on a connu plus facile niveau digestion politique.
Les traditionnels interviews d'après-campagne étaient particulièrement douloureux pour les parlementaires fédéraux et cantonaux engagés pour le referendum. Sur le fond, un même reproche se déclinait en plusieurs variantes : comment était-ce possible de s’engager pour ce referendum, alors qu’il était prévisible qu'une vaste majorité des votants serait contre ? Pouvait-on manquer à ce point-là de vista politique ? Ou plus grave encore, comment pouvait-on si mal sentir l’opinion du peuple ?
Les perdants ont répondu à ce reproche dans leurs petits souliers démocratiques. A écouter attentivement leurs réponses, on distingue deux familles de parlementaires. La première répond sur le mode du « nous prenons acte », donnant quittance à l’écrasante majorité des votants. De retour à Berne, ils prendront leur disposition et agiront dans le sens du message – supposé clair – de la votation. La deuxième famille de parlementaires répond sur le mode des « valeurs », expliquant qu’ils continueront à défendre leurs convictions profondes. Qu’importe ce que la majorité décide, ils resteront fidèles à leurs valeurs.
Derrière ces deux réactions se cachent deux visions du rôle de parlementaire – et deux façons pour les citoyens de choisir qui envoyer à Berne. Voulons-nous choisir des porte-paroles, c’est-à-dire des messagers capables d’entendre nos questions et problèmes et de leur donner voix à Berne ? C’est le parlementaire « caisse de résonance ». Ou souhaitons-nous choisir des personnalités porteuses de valeurs, qui vont à Berne en leur nom propre et non comme messager pour autrui ? C’est le parlementaire « AOC authenticité ».
Dans la plupart des dossiers, la réalité est certainement à mi-chemin de ces deux conceptions. Mais lorsque, comme dans la votation sur l’asile, les convictions personnelles sont appelées à jouer un rôle important, ces différences ressortent de manière marquée. J’ai plus de sympathie pour les parlementaires qu’on choisit pour les idées et les valeurs qu’ils défendent. Même si les votants choisissaient à 99%, cela ne signifierait en rien que la décision soit juste ou légitime. Face à ces scores soviétiques, il est même salutaire d’écouter l’interview d’un perdant magnifique, fier de ses convictions. S’il estime son parlementaire « AOC authenticité » dépassé, le peuple pourra toujours le renvoyer à la maison lors des prochaines élections.