Des paroles aux actes

L’entomophagie : solution alimentaire pour demain ?

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Plus de 2 milliards de personnes consomment régulièrement des insectes dans une centaine de pays. Abondants, bon marché et hyperprotéinés, ces petites bêtes peinent pourtant à trouver leur place dans nos assiettes. Une habitude amenée à évoluer, suite à une révision de la loi sur les denrées alimentaires. Et à la clé, pourquoi pas, une alternative à la production excessive de viande industrielle ?

Depuis le 1er janvier 2017, la production et la commercialisation de trois espèces d’insectes à des fins alimentaires est autorisée en Suisse. Il s’agit du ténébrion meunier (ou ver de farine), du grillon domestique et du criquet migrateur. Une première pour un pays européen, même si plusieurs de nos voisins tolèrent déjà ces modes de consommation, faute de législation précise. Pourtant, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) a entamé depuis 2008 une campagne de promotion de l’entomophagie dans les pays occidentaux. Neuf milliards d’habitants sont attendus pour 2030, avec d’une part de graves famines pressenties dans plusieurs régions du globe et d’autre part une consommation de viande qui ne cesse de croître dans les pays développés et qui s’apparente de plus en plus à un désastre écologique pur et simple. Comme les insectes constituent un réservoir surabondant de nourriture saine et variée, la FAO estime que leur consommation peut contribuer à la sécurité alimentaire mondiale et devenir une alternative à la production industrielle de viande.

Car les chiffres parlent d’eux-mêmes : la production d’un kilo de viande de bœuf nécessite une consommation de 15’000 litres d’eau et est égale (en équivalent carbone) à 30 kilomètres parcourus avec une voiture. Une même quantité d’insectes nécessite entre 0 et 250 litres d’eau seulement selon les espèces. Et la comparaison devient encore plus intéressante lorsque l’on sait qu’en valeur énergétique (c’est-à-dire en tenant compte de l’apport en protéines et en matières grasses), 100 g. de criquets correspondent à 555 kcal, soit 5 à 6 fois plus que plus que dans une quantité équivalente de viande de bœuf ! Pour celles et ceux qui, comme moi, ne sont pas prêts à franchir le pas du végétarisme mais qui se disent malgré tout sensibles à l’impact environnemental de la production de viande, l’entomophagie constitue donc une alternative raisonnable et responsable (à condition bien sûr que les méthodes de production le soient elles aussi).

 

En Suisse, beaucoup ont déjà compris l’enjeu que représente ce nouveau mode d’alimentation. Plusieurs associations et start-up (notamment Grimiam, Insecta et Essento) sont aujourd’hui actives sur ce marché. Une dégustation avait même été organisée au Parlement Fédéral en mars 2014, à l’invitation de la conseillère nationale vaudoise Isabelle Chevalley. Mais il reste encore du chemin à parcourir avant de faire entrer les insectes dans nos habitudes alimentaires. Cela passera par un important travail d’information. Une étude de l’ANSES (agence nationale française de sécurité sanitaire de l’alimentation), mandatée par la FAO, fait état de risques potentiels similaires à ceux liés à la consommation de viande (allergies, intoxications dues à des résidus de pesticides et de polluants, etc.), à la différence près que nos connaissances sont encore faibles en matière de consommation d’insectes. Un certain risque sanitaire existe donc, comme pour tout aliment, qui peut toutefois être réduit au minimum avec une législation stricte sur les conditions d’élevage, d’abattage, de préparation et de distribution des produits.

Reste, sur le plan des arguments écologiques, une question éthique que ne manqueront pas de soulever les antispécistes : si l’on est conscient du stress et de la souffrance qu’endure un bœuf dans un abattoir, pourquoi n’en est-il pas de même d’un criquet ou d’un grillon ? En d’autres termes, qu’est-ce qui nous permet d’affirmer objectivement que la vie d’un insecte a moins de valeur que celle d’une vache ? Le débat est lancé.

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