Des paroles aux actes

Ils étaient 800…

(Réédition d’un billet publié à l’origine sur le blog 1dex.ch, en référence à la plus grande tragédie connue à ce jour en Méditerranée, survenue le 19 avril 2015 à 110 km des côtes libyennes)

 

Ils étaient 800. Huit-cent anonymes. Environ. Personne ne connaît leur nombre avec certitude. Personne ne sait leurs noms. Personne ne sait d’où ils venaient exactement. Erythrée, Somalie ? Où sont leurs familles ? Sont-elles au courant ?

Ils étaient 800. Et combien pour pleurer leur disparition ? Quelle cérémonie ? Combien d’officiels pour faire le déplacement ? Combien de poignées de mains gênées, d’accolades émues ? Et combien de journalistes dépêchés sur les lieux, de gros titres en Une des médias ?

Ils étaient 800. Et quels responsables ? Quels jugements ? Quelles indemnisations… et à qui ?

Ils étaient 800. Huit-cents femmes, hommes et enfants dont la seule faute fut d’avoir voulu fuir la misère et les conflits, prêts à tout pour enfin trouver la paix. Prêts à marcher des milliers de kilomètres en terre hostile. Prêts à verser leurs dernières économies pour embarquer par centaines dans de vieux rafiots bancals. Prêts, une fois l’Europe atteinte, à subir la haine et le rejet, à se retrouver parqués dans des camps, désignés coupables d’avoir recherché la sécurité pour eux et leurs familles.

Mais cette dernière étape, ces huit-cents-là ne l’auront pas connue. Ils auront fui la mort pour la retrouver plus loin. Ils étaient 800, mais n’auront pas droit à la minute de silence. Pas d’hommage solennel, de discours affecté, de gerbe de fleurs ou d’hymne funèbre. Ces éloges-là sont réservées aux vraies victimes, celles qui en valent la peine, celles dont on se soucie. Ainsi celles, vingt-cinq fois moins nombreuses, du Costa Concordia…

Ces huit-cents-là sont les martyrs de la Méditerranée, les naufragés de l’Europe, les laissés-pour-compte de notre civilisation. Mais l’histoire jugera sévèrement notre inaction face à leur drame.

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