Chacun dans sa case. Chacun son étiquette. Ou bien?

«Chacun son métier et les vaches seront bien gardées», dit-on. Au-delà de sa signification première, cette citation me rappelle notre tendance à toujours vouloir tout compartimenter. A chacun son étiquette. Et ne mélangeons pas les uns avec les autres. Cette tendance nous pousse à défendre notre pré-carré et à attaquer celui du voisin. Sur ce constat, une question me taraude : Et si on plaçait notre énergie ailleurs qu’à se battre les uns contre les autres?

 

L’être humain est ainsi fait. Il cherchera toujours à tout compartimenter. Et je suis bien placé pour connaître ce besoin impérial que chacun a à mettre une étiquette sur la sexualité ou le genre d’une personne. Ou à opposer les pauvres et les riches dans toute considération, avec toute la condescendance envers l’autre qui en découle. Bien évidemment, la politique n’échappe pas à cette tendance, bien au contraire.

 

Le poids de l’étiquette

En 2021, alors en pleine récolte de signatures pour le congé parental, je me souviens de cette dame qui s’est montrée extrêmement enthousiaste durant toute la discussion et s’apprêtait à signer l’initiative. Juste avant, elle me demande qui la porte ; je lui réponds que c’est une initiative des Vert’libéraux. Son visage se ferme. Elle pose le stylo et m’informe que jamais elle ne signera quoi que ce soit qui émane de notre parti. Dont acte.

J’ai trouvé cette réaction particulièrement triste. Autant je respecte pleinement qu’on ne partage pas une idée, bien sûr. Autant je n’arrive pas à comprendre comment une bonne idée peut devenir mauvaise dès lors qu’on l’identifie à un émetteur qui nous déplaît !

Pour ma part, je n’ai aucun problème à reconnaître les bonnes idées des autres partis, d’où qu’elles viennent. Des bonnes idées, il y en a partout. Même dans les partis extrémistes ! Heureusement d’ailleurs…

 

Le poids de l’ouverture

Autre exemple, qui dépasse la qualité d’une idée. Je me balade dans mon quartier et les Verts tiennent un stand. On me propose de signer l’initiative sur la piétonisation. Je m’arrête et signe la feuille (ça tombe bien, je voulais le faire, et n’en avais pas eu l’opportunité). Elle en profite pour me proposer 3 ou 4 autres textes. Je les signe tous.

Je me souviens encore de la tête qu’elle a fait lorsque notre discussion m’a mené à lui expliquer qui je suis, et du commentaire qui a suivi. «He ben dites donc, vous êtes sacrément ouvert pour un Vert’libéral!»

Ce à quoi je lui ai répondu qu’une des plus grandes leçons que la politique m’ait apprises, c’est qu’on devrait tous signer (presque) toutes les initiatives et (presque) tous les référendums, qu’importe si on est d’accord avec le sujet. Car signer un tel document n’engage à rien d’autre qu’à soumettre le sujet au vote populaire. Et toute idée, même celle à laquelle on n’adhère pas (dans la limite du raisonnable), mérite d’être portée devant le peuple. Car, dans le fond, qui sommes-nous en tant qu’individu pour juger d’une idée?

« Ha non, ça je ne pourrais pas », me répond-elle.

Pourtant, c’est bien là le fort de notre démocratie directe. Et je serais prêt à parier que notre discussion l’a fait réfléchir et qu’elle serait capable, demain, de signer un texte même si elle n’y adhère pas à 100%.

 

Le poids de l’ego

Je l’ai dit : l’évaluation qu’on fait d’une idée devrait toujours être décorrélée de son émetteur. Au même titre, nos partis doivent apprendre à mieux travailler ensemble. Car s’il est une menace pour notre démocratie, c’est bien l’ego démesuré des hommes et des femmes politiques.

Lorsque deux partis ont des idées qui vont dans la même direction, pourquoi n’arrivent-ils pas à collaborer, plutôt que de se mettre systématiquement des bâtons dans les roues?

Les deux exemples qui me viennent en tête sont en lien avec les deux initiatives cantonales que les Vert’libéraux ont déposé en 2021 et 2022.

Le congé parental s’inscrit comme un véritable progrès social et empoigne une thématique capitale pour développer un rapport sain au rôle de l’homme et de la femme dans notre société. Il s’agit d’un projet pragmatique qui ne va ni trop loin (inutile de rappeler qu’un congé paternité paritaire, vers lequel on doit tendre, n’aurait aucune chance de passer aujourd’hui) ni insuffisamment loin.

Lorsque je vois les réactions de certains partis, qui refusent le changement par rancœur de ne pas avoir su faire aboutir leur propre projet avant le nôtre, et surtout par refus de faire confiance aux individus (no comment), ma déception est énorme. Gageons que le peuple sera un peu plus pragmatique le 18 juin prochain!

Quant au programme Solaire 2035, certains préfèrent nous accuser à tort de plagiat, plutôt que d’embrasser une cause commune et un objectif commun? Là aussi, je peine à comprendre cette nécessité à toujours vouloir mettre en opposition les projets, plutôt que d’avancer main dans la main et de profiter d’un projet plus complet et de le soutenir.

Car s’il est une évidence, c’est que l’opposition est devenue un sport dont on se passerait bien. Dans «urgence climatique», il serait bon de rappeler qu’il y a le mot «urgence»!

 

Le poids du pivot

Bien entendu, casser les codes, ne plus se cantonner à une case, est quelque chose qui me définit dans de nombreuses situations. Pour autant, en période électorale, l’étiquette partisane prend tout son sens.

Dans notre démocratie, il y a deux temps majeurs. Celui des votations, où on se forgera son opinion dossier par dossier – c’est le moment où faire tomber les étiquettes est approprié. Puis il y a celui des élections, où il est important de placer au parlement et au gouvernement le parti qui représente le mieux nos idées – c’est le lieu où se raccrocher à une étiquette fait sens, et nous porte en tant que citoyens.

Sur ce point, je suis plus que jamais convaincu de l’importance d’une force centriste pour équilibrer une gouvernance qui dysfonctionne. Si je souhaite naturellement que les Vert’libéraux soient de plus en plus présents, je souhaite surtout que Genève ne vive plus de situation dominée par des camps qui ne connaissent plus le dialogue.

Je suis fatigué de l’attitude de l’aile politique en position de force. Il n’est pas normal que la gauche se moque des propositions de la droite au Conseil municipal de la Ville de Genève, ne cherchant jamais le compromis puisqu’ils sont majoritaires. Il n’est pas normal non plus que la droite affiche la même attitude au Grand Conseil.

Demain, seule une force véritablement centriste permettra d’apaiser le débat et d’apporter un peu de bienveillance dans nos institutions.

Pour en sortir, j’invite toute personne soucieuse de la défense des enjeux environnementaux ou d’une économie forte à voter pour la liste 3 – Vert’libéraux au Grand Conseil ! Savoir qui vous portez au rang de pivot est tout aussi important, si ce n’est plus, que de voter pour le parti qui a obtenu vos suffrages à la précédente législature.

Jenoe Shulepov Bucher

Un œil sur la planète, un regard sur l’économie. Jenoe Shulepov Bucher, président des Vert’libéraux – Ville de Genève, est attaché tant aux valeurs libérales qu’à la nécessité de tendre vers une société davantage tournée vers l’humain. De nationalité suisse, Jenoe Shulepov Bucher est en couple avec son partenaire (enregistré) depuis 2013. Il est passionné de films et de séries TV.