Le temps des réfugiés

Plusieurs Etats européens procèdent déjà à l’enregistrement audio des auditions d’asile. Pourquoi pas la Suisse?

Contrairement à la Suisse, plusieurs Etats européens procèdent déjà à l’enregistrement audio des auditions d’asile. C’est le cas de la France, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Finlande, de la Suède, de la Pologne, de la Slovénie et de Malte. Ces pays vivent avec leur temps. Ils ont compris tous les avantages que ce système procure aux autorités d’asile, aux requérants et aux interprètes.

Combien de temps faudra-t-il au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour réaliser l’utilité pratique d’un tel système, le seul à même de garantir une procédure d’asile de qualité. Personne n’est dupe, aujourd’hui les fonctionnaires qui mènent les auditions d’asile n’ont aucun moyen de vérifier la fidélité des traductions effectuées. Et sans vouloir pousser le bouchon, on peut affirmer que les requérants signent des procès-verbaux sans en connaître la teneur réelle. S’ils signent, ils ne font qu’approuver ce que l’interprète leur a dit à la relecture du procès-verbal. L’interprète est roi, il est le maître de l’audition, il a tous les pouvoirs sur l’issue de la procédure et c’est un comble.

Au niveau européen, la Suisse figure en bas de l’échelle. Elle ne prévoit pas d’enregistrement audio des auditions d’asile, pas de formation continue et les règles de travail imposées aux interprètes communautaires sont floues et peu exigeantes. J’aime citer comme exemple incontournable, la Charte française d’interprétariat, rédigée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). 

Le tableau comparatif que vous trouverez ci-dessous montre que la Suisse est à la traîne. Ce tableau reprend les informations fournies par les organisations nationales à la plateforme européenne d’information sur l’asile (AIDA/ECRE) qui centralise toutes les données importantes sur la pratique des Etats européens dans ce domaine. 

Il est intéressant de constater que tous les rapports nationaux contiennent une section destinées aux interprètes dans la procédure d’asile et tous les pays européens font face à des problèmes récurrents de traduction dans les auditions d’asile. Certains rapports soulignent des langues particulièrement problématiques ou des comportements inacceptables de la part d’interprètes. 

D’autres pays comme l’Italie et Chypre ont prévu l’enregistrement dans leur textes de loi sans l’exécuter en pratique souvent parce que les installations techniques tardent. La Bulgarie effectue l’enregistrement audio des auditions d’asile mais il semble que les procès-verbaux n’en tiennent pas compte. Les derniers de classe sont l’Autriche, la Croatie, la Hongrie, l’Irlande, la Serbie, la Roumanie et comme vous le savez la Suisse

On sait maintenant que le SEM n’est pas opposé en principe à l’enregistrement audio des auditions d’asile (1). Ajoutons qu’aucune disposition dans la Loi sur l’asile (article 29 LAsi – RS 142.31) ou dans l’Ordonnance relative à la procédure d’asile (article 19 OA1 – RS142.311) ne s’y oppose.

Aujourd’hui l’enregistrement de nos conversations téléphoniques auprès des CFF ou de Swisscom est plutôt courant. On nous dit que c’est pour effectuer un “contrôle qualité” des communications. On nous enregistre alors que nous communiquons sur des choses futiles. Pour les requérants d’asile, l’enregistrement audio est crucial. Les auditions d’asile comptent parmi les heures les plus importantes dans la vie d’une personne qui a fui son pays d’origine. Ces auditions sont faites de questions détaillées, répétitives et souvent douloureuses et déterminent la décision positive ou négative du Secrétariat d’Etat aux migrations (“SEM”). 

Je suggère donc que la Suisse se distance des pays comme la Hongrie, la Serbie ou la Roumanie et qu’elle rejoigne le peloton de tête des Etats européens exemplaires. 

 

Les informations compilées tiennent compte des rapports nationaux 2018/2019 fournis à la plateforme européenne d’information AIDA/ECRE sur l’asile. 

TABLEAU COMPARATIF: PRATIQUE DES ETATS DE L’ UE

 

(1) Déclaration de la porte-parole du SEM sur la RTS et lettre de Monsieur Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat aux migrations à l’auteur de ce blog.

 

 

 

 

 

 

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