Une chronique politique sans parti pris

Quand La Poste quête

 

Près de la moitié du volume des envois traités par La Poste sont non adressés, en grande majorité des publicités. Comme le courrier des lettres ne cesse de diminuer par suite de la croissance du courriel, l’équilibre financier de La Poste dépend de plus en plus de la publicité. Elle n’est pas la seule : la presse papier, les cinémas, les sports sont à la même enseigne : pour survivre il faut diffuser une réclame qui n’a rien à voir avec l’activité elle-même, qui capte l’attention contrainte et forcée du public.

Or nombre de boites aux lettres portent l’inscription “Pas de pub”.  La Poste propose de le remplacer par des autocollants en faveur de la publicité : “Publicité bienvenue”, “Oui à la pub” “Même pas peur de la pub!”. Cette campagne qui a débuté en Valais s’étend aux cantons de Vaud, Genève et Fribourg.

La Poste mène donc une campagne pour convaincre les personnes ne souhaitant pas recevoir de publicité par courrier d’en recevoir à nouveau. À la clé, des milliers d’emplois et des tonnes de papier. Du pour et du contre : la création d’emplois contre la consommation d’énergie.

Premier argument : “Si un client décide de retirer son autocollant “Non merci” de sa boîte aux lettres grâce à cette campagne, La Poste pourra distribuer des envois supplémentaires et assurer ainsi du travail pour ses collaborateurs sur le marché du courrier en régression. Et aussi des emplois pour les PME et imprimeries suisses.” C’est l’imparable argument social qui laisse dubitatif : une activité quelconque est-elle justifiée par la seule création d’emplois, même si elle ne sert pas les consommateurs ?

On est curieux de savoir ce que cette campagne aura rapporté d’adhésions. Qui a vraiment envie de recevoir de la publicité dans sa boite aux lettres ? Qui va faire une démarche positive pour en recevoir ? Plus important encore : qui va lire cette publicité plutôt que de la trier et de la mettre tout de suite à la poubelle ?

Second argument : La Poste explique que les potentiels bons de réduction et promotions reçus permettraient d’économiser 2548 francs par année, sans préciser sur quels produits ou services exactement.

La publicité représente entre 40 et 60 kilos de papier par ménage et par année. D’après le WWF, le papier représenterait 40% des arbres abattus sur la planète. La Poste dit être consciente de sa responsabilité écologique. Depuis 2017, le traitement et la distribution des envois publicitaires par La Poste est neutre en CO2. Grâce à l’envoi “pro clima”, La Poste compenserait les émissions de C02. Admettons.

Ces considérations sociales et écologiques n’abordent pas de front la place de la publicité dans l’économie de la transition climatique. Autant elle est indispensable pour le producteur, autant elle est ambigüe pour le consommateur. Or, on sait que la consommation doit être réduite, pas seulement celle de l’énergie au sens strict, mais aussi celle de tout produit qui incorpore toujours l’énergie nécessaire à a sa fabrication. Or la publicité induit, elle doit induire des achats qui ne se seraient pas produits en son absence, sinon le producteur y renoncerait. Comment arriver à une société à bas Watt, sans réduire un facteur qui va en sens contraire ?

La Poste est soumise à la révolution numérique qui impose des changements drastiques de stratégie : elle ne peut vivre indéfiniment en transportant du papier. L’économie ne peut vivre indéfiniment au rythme de la surconsommation : les ressources de la planète s’épuisent. Pour ces deux raisons, échouera l’initiative visant à promouvoir des boites aux lettres accueillantes par des autocollants infantiles. Il reste à découvrir quel est le responsable incompétent au plus haut niveau qui prend ce genre de décision vouée à l’échec.

 

 

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