Une chronique politique sans parti pris

Du grand n’importe quoi

On se doutait depuis longtemps que le Conseil fédéral n’avait, en matière de transition climatique, ni des idées très claires, ni un plan global, ni une volonté politique affirmée. La droite, qui dispose de la majorité du Conseil fédéral, a longtemps défendu la thèse qu’il n’y avait pas de réchauffement climatique, que l’activité humaine ne pouvait l’influencer, que c’était un fantasme des milieux scientifiques et que ce leurre nuisait à l’économie. Un déni de réalité typique. Le dérèglement manifeste du climat en 2022 a fait taire ces climato-sceptiques. De là à élaborer une véritable politique pour tenir compte de cette réalité, il ne fallait pas l’attendre.

On vient donc d’apprendre un plan d’économies de l’électricité du Conseil fédéral, qui prend le problème à rebours du bon sens : si les combustibles fossiles ne sont plus utilisés, le seul vecteur énergétique sera l’électricité. Il faut donc s’attendre à et prévoir une croissance de sa consommation si les logements sont chauffés par des pompes à chaleur et que les voitures sont électriques. Il fallait donc se préparer à produire plus. On n’en a rien fait ou si peu : 41 éoliennes en Suisse produisent 146 Gigawattheures soit 0.5% de la consommation ; l’Autriche dispose de 1400 éoliennes couvrant 13% de la consommation ; en Allemagne 23% de la consommation. La Suisse ne serait pas contrainte d’économiser si elle produisait plus. C’est un réflexe tardif de gagne-petit. La vertu suppléera l’intelligence.

La plus contreproductive des mesures est un projet d’ordonnance qui prévoit de limiter l’usage des véhicules à batterie aux trajets strictement nécessaires. La même mesure n’est pas prescrite apparemment pour les véhicules à essence, dans l’idée que le pétrole est toujours disponible et qu’il n’est pas la cause du réchauffement. On voudrait saboter le développement des voitures électrique que l’on n’agirait pas autrement et rien ne permet d’affirmer que ce n’est pas dans certains milieux l’intention secrète. La mesure est du reste totalement inapplicable car on ne voit pas la police arrêter un véhicule et décider si le déplacement est ou non indispensable. Par ailleurs, l’UDC et le PLR rejettent la limitation de la vitesse sur les autoroutes à 100 km/h, mesure qui serait contrôlable. On n’a même pas eu recours à l’idée simple de dimanche sans voitures.

Dans une telle situation d’urgence, il ne sera pas autorisé non plus de visionner des DVD ou des vidéos en streaming et il faudra se passer de jeux vidéo ; cesser de repasser, arrêter les hottes de cuisine et les chauffe-plats ; chauffer à 18 degrés si vous utilisez une pompe à chaleur et à 20 degrés si vous chauffez au gaz ( ?) ; exception pour les EMS mais pas pour les seniors dans leur domicile ; il n’est pas exclu de couper le courant des hôpitaux mais pas de l’hôtellerie et des remontées mécaniques. Toutes ces mesures sont inapplicables et incontrôlables car on ne voit pas la police être désignée pour faire irruption dans les domiciles privés et surprendre les délinquants en flagrant délit de repassage ou de jeux vidéo. Elles sont le résultat d’un amalgame de réactions des lobbys concernés

En résumé, c’est du grand n’importe quoi, un bricolage improvisé dans la panique, un alibi si des coupures de courant sont effectuées. Notre excellent Conseil fédéral, si bien adapté à la gestion de routine, est dépourvu lorsque la situation s’altère gravement. En cas de guerre on élit un général muni des pleins pouvoirs. Il est temps de nommer un général de l’énergie.

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