Une chronique politique sans parti pris

Une expérience du système de santé.

 

Ce blog fut interrompu pendant un mois pour raison médicale. L’intervention chirurgicale, obligée, bien que lourde et hasardeuse, fut une réussite ainsi que la convalescence. Au-delà de l’anecdote personnelle, cette expérience concrète induit une réflexion de fond sur la qualité du système de santé suisse.

Il coûte 83 milliards CHF, dont 21,8% à charge de l’Etat, c’est-à-dire de la masse des contribuables, et le reste pour les ménages dont 37,9% par l’assurance maladie obligatoire. En pourcents du PIB, la santé coûte 11.8% en Suisse, du même ordre qu’en Allemagne,  soit bien moins qu’aux Etats-Unis (17% !) avec un résultat nettement meilleur. En espérance de vie, la Suisse est dans le peloton de tête avec Hong-Kong ( !) et le Japon, soit quatre années de plus que les Etats-Unis : il ne suffit donc pas de dépenser beaucoup, encore faut-il le faire à bon escient.

C’est le cas en Suisse, statistiquement et personnellement. L’expérience vécue m’a montré qu’à chaque étape le système performait : diagnostic précoce, court délai avant l’opération impérieuse, intervention réussie, anesthésie parfaite, soins infirmiers compétents et disponibles, prise en charge ultérieure dans la durée.  Il n’a jamais manqué un geste, un médicament, un équipement avec une excellente coordination.

Cela signifie-t-il que ce système serait parfait, qu’il n’y aurait jamais d’accident, de retard, d’erreur, de duplication, de gaspillage ? Certainement pas, car il s’agit d’une entreprise humaine faillible par définition. Mais elle est au maximum de ce que l’on peut faire si le financement est toujours disponible par définition. C’est cher mais c’est efficace et bien géré.

Ce satisfecit doit être nuancé par deux remarques : la charge de la dépense est mal répartie ; la Suisse profite des dépenses des pays avoisinants.

L’assurance maladie obligatoire couvre presque la moitié de la facture totale mais elle frappe les individus en tant que tels. Comme elle est obligatoire, elle est identique à un impôt qui n’est pas prélevé au prorata du revenu et de la fortune, mais par tête d’habitants. C’est ce que l’on appelle un impôt de capitation, injuste dans son principe et inapplicable pour les ménages défavorisés, qui doivent tout  de même être subsidiés dans la proportion d’un ménage sur trois. Autant dire que le système est aussi compliqué qu’inefficace, avec la circonstance aggravante que la gestion de ce pactole est mise entre les mains d’entreprises privées dans l’idée que la concurrence en réduirait la charge administrative. En un mot si les citoyens doivent payer pour un service public, il ‘y a pas de raison de collecter les fonds par un autre système que pour la formation ou les transports, par l’impôt.

La seconde réserve porte sur le recrutement du personnel médical, paramédical, infirmier. La Suisse prélève les ressources formées à l’étranger. Soit 40% de son personnel infirmier et 34% des médecins. Par exemple, le nombre de personnes formées en Suisse a diminué entre 2002 et 2008 tandis que l’immigration a augmenté. Autant dire que la Suisse pratique un système injuste. Elle décourage les jeunes Suisses disposés à s’engager dans de longues études par un numerus clausus dans les facultés de médecine,, avec un impact sur leur carrière et leur vie non négligeable. Elle ne fait quasiment rien pour freiner l’installation en Suisse de médecins, dentistes et vétérinaires en provenance des pays voisins. De ce fait, elle encourage l’exode de ces derniers, motivés à venir pratiquer dans un pays où les rémunérations sont plus élevées que chez eux.  En 2017, 999 titres fédéraux de médecine humaine ont été délivrés,par nos différentes universités. Mais 2949 diplômes étrangers ont été reconnus en 2017!  Plus de 1000 avaient été obtenus en Allemagne, environ 400 en Italie et plus de 350 en France. La Suisse engage plus de médecins allemands que suisses ! Elle économise un budget énorme qui va jusqu’à pirater des pays pauvres. Rien que dans mon expérience, j’ai été soigné surtout par des Français mais aussi un Brésilien, un Libanais et un Algérien.

En résumé le système de santé suisse est au-dessus de tout éloge parce que le pays est riche et qu’il exploite sans vergogne les ressources de ses voisins. Comme ce sont les meilleurs qui émigrent, cela produit un système international de fait, très performant.

Face à cette situation, les tentatives politiques de réduire le coût de la santé sont à la fois inappropriées et contreproductives. La loi ne peut discriminer entre des prestations indispensables ou superflues : en supprimant des gaspillages, elle supprimera des soins nécessaires. Après un diagnostic de cancer ou d’insuffisance cardiaque, cela fait une grande différence entre attendre deux semaines en Suisse ou sept mois comme en Grande Bretagne. Dans ce dernier pays on dépense près de la moitié de ce que nous dépensons. On y meurt plus tôt ce qui est une gigantesque source d’économie. C’est un choix de société.

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