Une chronique politique sans parti pris

Régression dans l’erreur nucléaire

« Un comité d’élus de partis de droite et de représentants de l’économie lance une initiative populaire visant à lever l’interdiction, depuis la votation de 2017, de construire de nouvelles centrales nucléaires en Suisse. Intitulé «De l’électricité pour tous en tout temps. Stop au black-out», le texte veut inscrire dans la Constitution que «toute forme de production d’électricité respectueuse du climat est autorisée».

C’est à peine une nouvelle, il fallait s’y attendre. La mémoire de Tchernobyl et de Fukushima se dissipe peu à peu. La pénurie menaçante d’électricité affole le débat. Des affirmations lénifiantes foisonnent dans les médias. La technique aurait fait tellement de progrès que le risque de fusion du cœur n’existerait plus. Le nucléaire serait la seule énergie décarbonée, largement répandue contrairement à d’autres.

C’est oublier un peu vite que l’uranium, tout comme les combustibles fossiles, doit être extrait et importé de là où il est disponible, ce qui suppose l’emploi d’une énergie fossile. Le Kazakhstan à lui seul en fournit 42%, dont la disponibilité est donc aussi assurée que celle du gaz russe. Un fantasme relatif au nucléaire le conçoit vaguement comme une source infinie d’énergie, dont le combustible pèse tellement moins que le pétrole qu’on peut considérer qu’il est immatériel. Ce serait la solution idéale pour tout pays industrialisé.

On connait les arguments en sens contraire. Il n’y a toujours pas de solution pour entreposer les déchets dont certains ont une demi-vie de l’ordre du milliard d’années. Quand Tchernobyl ne sera-t-il plus contaminé ? Les éléments  les  plus dangereux ne  devraient atteindre leur demi-vie que dans 900 ans et il faudrait théoriquement 48 000 ans pour que le reste de la radiation s’épuise. Le coût de cet entreposage séculaire sera à la charge des générations suivantes, sans aucun bénéfice pour elles..

Mais le danger le plus grand reste la fusion du cœur et la dispersion des éléments radioactifs dans l’environnement. Les erreurs commises à Tchernobyl et de Fukushima ne se reproduiront probablement pas à l’identique. Mais il faut tenir compte d’une constatation évidente : toute installation technique peut subir un incident imprévu, précisément parce qu’il n’avait pas été imaginé. Une dizaine d’accidents majeurs se sont produits.  Plus le cas de sous-marins soviétique dont on ignore tout.

Le cas de la Suisse est particulier car les centrales sont implantées dans une région fortement peuplée. Si Mühleberg avait subi ce type d’accident, il aurait fallu évacuer définitivement un cercle de 30 kilomètres de rayon, soit Berne, Fribourg, Neuchâtel et Bienne. Un accident majeur des trois centrales en fonctionnement pourrait contaminer Zurich ou Bâle en ruinant le pays. Le risque est donc énorme même si sa probabilité est assez faible, de l’ordre de 1 à 2%

La construction d’une nouvelle centrale nucléaire, demandée implicitement par l’initiative, est le type même de fausse solution, suggérée dans la panique par l’irréflexion et l’ignorance. Les énergies renouvelables authentiques, le solaire, l’éolien, la géothermie, les biocarburants, l’hydraulique sont la seule solution pérenne. Sans doute bien moins coûteuse que le nucléaire.

Il reste une dernière question. Pourquoi est-ce que c’est toujours l’extrême-droite qui lance des propositions incongrues ? Pour recruter des électeurs dans les couches les plus naïves de la population ? Pour servir les intérêts de quelque lobby qui la financerait ?

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