Une chronique politique sans parti pris

Le soutien du peuple s’achète par la complaisance

Qui l’aurait cru ? Il existe une majorité dans les sondages pour cette révision de l’AVS, qui comporte deux clauses : augmenter l’âge de prise de pension des femmes d’un an et augmenter la TVA de 7,7 à 8,1 %. Ces deux mesures permettraient de protéger ces pensions pendant encore un petit bout de temps, jusqu’en 2030. Elles ne s’inscrivent pas dans une logique pertinente, mais elles définissent une double échappatoire à une impasse politique.

Selon la doxa de la gauche, le travail est tellement épuisant, ennuyeux et dénué d’intérêt que le seul but de l’existence est de travailler le moins possible.  Il faut donc arrêter au plus tôt. Obliger les femmes à travailler un an de plus est une vexation d’autant plus insupportable qu’elles souffrent de l’inégalité des revenus durant leur vie active et qu’elles assurent l’essentiel des tâches ménagères. C’est un argument fondé mais Berne fait comme si ce ne l’était pas parce qu’on est vraiment coincé.

Ces arguments de la gauche ne convainquent plus l’opinion publique. Ou du moins les hommes qui votent dans une large majorité pour cette révision. Mais beaucoup de femmes en sont aussi convaincues. Il semble donc que l’opinion publique ait viré. Elle admet une évidence : si la durée de la vie s’allonge, les besoins du marché augmentent et il faut travailler plus pour les satisfaire. Si le pourcentage de retraités augmente dans la population, le rapport entre travailleurs et pensionnés se détériore.

Depuis la création de l’AVS en 1948, l’espérance de vie à 65 ans a doublé environ de dix à vingt ans. Dès lors il n’y a que quatre mesures pour maintenir l’équilibre du système : doubler les cotisations durant la vie active, diminuer de moitié les pensions, travailler dix ans de plus, introduire massivement dans le système des travailleurs dont la formation antérieure à l’étranger n’a rien coûté. Seule la dernière mesure a été utilisée systématiquement et aveuglément. La réaction négative du peuple sur ce sujet constitue le fond de commerce du plus important parti suisse. Elle fausse complètement le débat. Il est bien entendu impossible diminuer les pensions qui sont déjà dérisoire. Augmenter les cotisations diminuerait le pouvoir d’achat d’autant plus que l’on retombe dans l’inflation.

L’autre échappatoire consiste à financer l’AVS en augmentant la TVA. C’est une solution doublement absurde : elle réduit le pouvoir d’achat de tout le monde sans que ce soit trop visible mais aggrave l’exception de la Suisse comme pays cher ; comme les retraités modestes dépensent toute leur pension en achats de première nécessité, on diminue de fait leur pension.

Dernière question : pourquoi augmenter l’âge pour les femmes et pas pour les hommes. La réponse est évidente : la réforme ne passerait pas. Telle qu’elle est, sa réussite dépend du vote des hommes, favorables à plus de 70%, puisqu’ils n’ont rien à y perdre. Si seules femmes votaient la réforme ne passerait pas. Le Conseil fédéral n’a d’autre ressource que de proposer complaisamment des mesures qui recueillent un oui en votation : il n’est pas en mesure de définir une politique à long terme. Ce n’est pas de sa faute : c’est conforme aux institutions.

 

 

 

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