Une chronique politique sans parti pris

Pourquoi le populisme ?

 

 

L’utilisation de la démagogie en politique, vieille comme la démocratie. en constitue une maladie récurrente. Or, nous assistons à une recrudescence qui mérite une réflexion. En France, le RN obtient 89 sièges à l’Assemblée nationale et devient ainsi le deuxième parti. En Suisse le parti populiste est le plus important de tous. Aux Etats-Unis une foule a donné l’assaut au Capitole pour empêcher l’élection du nouveau président. Boris Johnson a obtenu le Brexit en assurant ses électeurs que leur niveau de vie augmenterait de ce fait. On pourrait continuer l’inventaire avec le poutinisme rampant un peu partout, la Hongrie, la Pologne. Et comment comprendre que le peuple russe se laisse entraîner dans une guerre sinon parce qu’il a élu massivement Poutine et qu’il accepte d’être privé d’informations.

Pourquoi cet accès ? Pourquoi maintenant ?

Une fraction importante de l’électorat est insatisfaite du fonctionnement des institutions. Elle lui reproche essentiellement de ne pas tenir la promesse (intenable) d’un bien-être toujours croissant. Le thème du pouvoir d’achat s’impose comme préoccupation dominante. Le pouvoir en place ne peut y répondre que par ces faux-fuyants que sont la réduction provisoire de certaines taxes, l’envoi d’un dérisoire chèque de secours, l’augmentation du salaire minimum, la croissance de la dette publique. Faute de pouvoir distribuer les fruits du travail, il faut s’endetter, c’est-à-dire refiler la charge à la génération suivante, celle qui n’a pas encore la parole.

Dans le même temps, des signes de pénurie apparaissent au niveau de la production. Manque de matières premières, rupture de l’approvisionnement en énergie, perturbation de la chaîne alimentaire et -curieusement – manque de personnel qualifié. Des entreprises pourraient travailler davantage mais elles ne parviennent pas à recruter des travailleurs. Alors que l’on devrait réduire la production de gaz à effet de serre, on est contraint de l’augmenter en substituant du charbon au gaz, et en constatant la panne de l’énergie nucléaire.

Le discours démagogique du populisme consiste à en imputer la faute à deux coupables : d’une part les « élites » qui auraient confisqué le pouvoir à leur seul avantage ; d’autre part les étrangers qui voleraient le travail des nationaux et alourdiraient les charges sociales.

C’est la théorie du double complot. Le pouvoir mépriserait le peuple parce que celui-ci incarne l’essence même de la Nation, son génie, son authenticité. Le pouvoir brade l’indépendance, la liberté, la souveraineté du pays, parce qu’il est acheté par l’étranger. Il ouvre grand les portes de l’immigration par stupidité ou par perversité.

Cependant on aurait beau mettre en place de nouvelles institutions et renouveler le personnel politique, cela ne changerait pas les données du problème. Le pouvoir d’achat est menacé parce que les ressources naturelles commencent à manquer. Cela a été prédit dès 1972, voici 50 ans , par le rapport du Club de Rome . la croissance s’arrêtera lorsque les ressources non renouvelables s’épuiseront, minerais, terres cultivables, énergie, eau.

La première des ressources qui est venue à se tarir a été l’atmosphère originelle, empoisonnée par les gaz à effet de serre. Et simultanément les terres cultivables menacées par la sécheresse, les terres côtières envahies par l’Océan. Puis la santé avec une épidémie à répétition pour l’ensemble de la planète. Et puis le retour de la guerre.

Le propre du populisme est de refuser l’existence insupportable de ces phénomènes, de nier la réalité qui est effectivement difficile. Il n’y a donc pas de réchauffement climatique, le renchérissement de l’énergie ne provient pas de sa raréfaction mais d’un complot gouvernemental, la guerre n’est pas une guerre mais une opération militaire spéciale engagée par le valeureux nationaliste Poutine, le médicament du professeur Raoult vaut mieux que la vaccination, l’avortement doit être interdit et bientôt la contraception, le nucléaire nous sauvera, les OGM doivent être bannis, le mariage des homosexuels est une abomination, il faut lutter contre l’Islam et expulser les étrangers. On commence même à susurrer que tout cela est la faute des Juifs. Et peut-être des universités et de la recherche scientifique.

Le populisme vit dans le fantasme d’un passé mythifié. Il nie le présent et voudrait l’annihiler. S’il conquiert le pouvoir, il gouvernera à reculons, comme Boris Johnson, comme Orban, comme Poutine, comme le souhaite une fraction croissante des électeurs. Il précipitera la catastrophe qu’il prétend éviter.

 

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