Une chronique politique sans parti pris

Le poutinisme ordinaire

 

Si la majorité de la population européenne condamne sans réserve l’agression russe sur l’Ukraine, il existe une minorité qui soutient Poutine aveuglément. Cette pensée s’infiltre jusque dans les commentaires de ce blog.

Citations authentiques et récentes :

« Pour le moment il y a une désinformation massive dans les médias menteurs de l’ouest »

« … il fallait que l’industrie d’armement US puisse vendre sa marchandise qui est systématiquement détruite par les Russes avant d’avoir pu être utilisée. L’OTAN veut combattre la Russie jusqu’au dernier ukrainien. »

« Tout le monde, hélas, est esclave des USA bellicistes. »

« Quand le Pentagone finance de manière obscure, depuis de très nombreuses années, ces milices nationalistes d’inspiration néo nazie, qu’il finance toute une série de laboratoires biologiques dont seulement 34 ont été recensés en Ukraine, dont les recherches sont loin de s’occuper de la santé publique de l’Ukraine, cela peut vous faire froid dans le dos. »

« Mr Poutine n’est pas respecté, (il est) invectivé, mais tout aussi respectable que ceux qui nous gouvernent et qui avalent sans sourciller toutes les couleuvres leurs permettant de conserver leur place, ou parfois pour se remplir les poches, qui jouent aussi de temps à autre aux autocrates qu’ils critiquent, quand ça les arrange ! »

« Poutine a raison et il est dans son bon droit. Il fait son devoir qui est de défendre son pays contre une menace immédiate. Les coupables ce sont les dirigeants américains bellicistes qui ont voulu mettre à genoux la Russie, ainsi que leurs vassaux, ou plutôt esclaves, abjects, des pays de l’OTAN. »

« Et, pendant ce temps, l’Occident proclame les échecs de la Russie devant la bravoure de l’Ukraine et de son Président, pantin de l’Amérique, mendiant institutionnel et sans vergogne, menteur osant accuser la Russie d’avoir détruit le Donbass alors que c’est son armée qui n’a cessé de bombarder son propre territoire ! »

Si l’on analyse ces réactions et bien d’autres, on leur trouve certains points communs :

1/ La Russie n’agresse pas du tout l’Ukraine, mais elle ne fait que se défendre contre la menace de l’OTAN.

2/ La presse suisse est inféodée au pouvoir fédéral et désinforme délibérément.

3/ Les médias russes diffusent les informations véridiques, censurées par l’Occident.

4/ L’armée russe ne commet pas les crimes de guerre qui lui sont faussement imputés et qui sont au contraire le fait de l’armée ukrainienne, massacrant son propre peuple pour déshonorer l’armée russe.

5/ Tout est la faute des Etats-Unis.

6/ La Russie vaincra.

7/ Poutine est un homme respectable, injustement décrié en Occident.

On doit poser très sérieusement la question de comprendre comment des personnes vivant la plupart en Suisse finissent par avoir une telle perception des faits, qui n’a plus rien à voir avec la réalité. On peut ébaucher les explications suivantes :

1/ Il subsiste une haine tenace des Etats-Unis, alimentée par la crainte de sa puissance et par certains de ses errements (Vietnam, Irak, Afghanistan)

2/ Tous les nationalistes s’apprécient réciproquement les uns les autres. A ce titre, Poutine est un héros de la Russie qui devrait servir de modèle à tous les pays dégénérés, faibles, drogués, en manque d’un homme fort.

3/Si la Suisse se maintenait dans une neutralité rigoureuse, elle serait respectée par la Russie.

4/ La véritable ennemie de la Suisse est l’Union Européenne, qui menace son indépendance.

5/ Critiquer la Russie revient à s’en prendre à une culture qu’il faudrait toujours respecter au-dessus de tout.

6/ Le pouvoir fédéral est une forme de dictature.

 

Ce genre de croyances n’est de loin pas propre à la Suisse. En France voisine, les deux extrêmes de l’éventail politique, Mélenchon et Le Pen, ont manifesté une faiblesse singulière pour Poutine. La Hongrie d’Orban, brillamment réélu, est pareille. Dans chaque pays, il existe une importante minorité, jusqu’à un tiers de la population, qui ressent un attrait particulier pour un pouvoir fort et admire en conséquence celui qui s’est établi en Russie. Viscéralement la démocratie l’insupporte. La liberté de la presse l’assaille parce que celle-ci diffuse des informations qui contredisent ses préjugés, obsessions et traditions. A ce titre, le budget de la SSR est régulièrement attaqué, non pas parce qu’elle diffuse de fausses nouvelles mais parce qu’elle ne diffuse pas les fausses nouvelles souhaitées par l’opinion populiste. Les mensonges évidents de Poutine lui paraissent plus proche de la vérité que le discours de son propre gouvernement.

Si par invraisemblable les armées russes réussissaient à envahir tout le continent, il y aurait tout de suite et partout à disposition un parti collaborateur pour exercer un pouvoir inféodé à Moscou. Pour l’instant, il se languit d’y arriver. Jamais la démocratie n’est apparue aussi fragile. A force de ne pas en apprécier le bonheur d’y vivre, elle risque de se perdre.

 

 

 

 

 

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