Woke est de l’anglais, comme tout ce qui vient d’Amérique et que l’on a tellement de peine à comprendre qu’on ne parvient pas à le traduire Or nous risquons d’avoir été woke avant même de nous en rendre compte. Exemples.
Le racisme a causé de telles abominations que ceux, qui luttent aujourd’hui encore contre ce qui en subsiste, se croient de ce fait investi d’une mission qui les place au-dessus des lois et de l’histoire. Par exemple, la statue de Winston Churchill en face du parlement britannique a été, par des woke de bonne foi, barbouillée de rouge et ornée d’un graffiti proclamant qu’il était raciste. Effectivement on peut retrouver des citations de Winston datant des années 20 et jusqu’en 1943, où il affirme la supériorité des Blancs sur les peuples colonisés. Ce faisant, il ne faisait que se conformer aux préjugés dominants de son époque. Il était politiquement correct de mépriser les Africains et les Asiatiques et de soupçonner les Juifs d’un complot mondial. En témoigne la citation suivante qui n’est pas de lui :
« L’humanité atteint la plus grande perfection dans la race des blancs. Les Indiens, Jaunes ont déjà moins de talent. Les nègres sont situés bien plus bas » L’auteur n’est personne d’autre que Immanuel Kant dans toute sa splendeur. Or, il est aussi l’auteur de cette maxime fondant une morale : « « Agis de façon à traiter l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne des autres, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen ». Malgré l’élévation de cette dernière pensée, malgré son métier de philosophe, il n’a jamais réalisé que son racisme s’opposait directement à son éthique. Notre civilisation a ainsi vécu dans cette schizophrénie jusqu’à ce que la folie des nazis enseigne au-delà de tout doute que le racisme est une abomination.
Or, cette schizophrénie coutumière eut bien d’autres dimensions que la race. Tous les groupes minoritaires ou faibles ont été persécutés. Dès lors ces persécutions ont engendré une réaction maniaque, aveugle, hors de proportion : woke.
Le machisme, le paternalisme et l’homophobie ont causés de telles iniquités à l’égard des femmes et de telles persécutions à l’égard des homosexuels que les woke qui luttent aujourd’hui contre leurs séquelles se sentent justifiés de toutes leurs exagérations. Ainsi à titre personnel, j’ai été interpellé au parlement par une conseillère nationale indignée, se scandalisant de ce que l’EPFL n’enseigne pas un cours sur la théorie du genre, alors que c’est clairement hors de son cahier de charges. De même, l’opinion publique se froisse vertueusement de ce que les noms de rues soient souvent (ou toujours) masculins et la municipalité les débaptise pour y substituer le souvenir de femmes qui auraient mérité d’être illustres.
La persécution à l’égard de l’Islam est tellement universelle que les woke qui résistent sont qualifiés d’islamo-gauchistes, insulte qui les conforte dans une confortable position de martyres.
La plus grande des menaces sur l’espèce humaine est la transition climatique. Les militants écologistes adoptent souvent des attitudes extrêmes qui les confortent dans leur rôle assumé de prophètes incompris. Des woke envahissent les locaux d’une banque qui investit dans des activités productrices de CO2, ils sont normalement inculpés mais ils se scandalisent d’être condamnés à la plus légère des peines, comme si leur combat les plaçait au-dessus des lois.
Le spécisme soutient qu’il ne peut y avoir aucune raison de refuser d’étendre le principe fondamental d’égalité, défini pour les humains, aux membres des autres espèces animales. Il débouche sur la religion végane et ses extravagances. Une recrue de l’armée suisse a refusé de porter un ceinturon de cuir.
Tels sont les combats les plus importants que l’on regroupe sous le vocable de « woke ». « Passé simple du verbe anglais to wake, qui signifie en français « se réveiller », ce mot « woke » a pris un sens véritablement idéologique aux Etats-Unis pour désigner le fait d’être conscient des injustices subies par les minorités ethniques, sexuelles, religieuses, ou de toutes formes de discrimination, et mobilisé à leur sujet. »
Dans un contexte de combat en matière de justice sociale, cette expression définit quelqu’un de sensibilisé, ouvert, indigné face aux injustices qui existent autour de lui. Mais à force d’être woke, il n’est pas seulement « éveillé », il devient carrément insomniaque, sa vie se fond dans un combat intransigeant, à la limite de l’obsession. Diverses minorités exercent une fascination sur la société, exposée par elles à des manifestations de désobéissance civile qu’elle hésite à réprimer. Dès lors, on commence à courir le risque d’une dictature des minorités. Le racisme et tous ses analogues suscitent de la part de leurs opposants woke une critique radicale qui vise en fait les institutions, même formellement démocratiques. Le phénomène woke a une sérieuse dimension politique qui dépasse ses plus folkloriques manifestations.
Il existe même une école de philosophie (allemande naturellement) qui a développé la « théorie critique» . Celle-ci remet en question les structures de pouvoir sous-jacentes de la société et réduit la culture occidentale au conflit des oppresseurs contre les opprimés. La seule réalité, qui existerait et qui n’est pas perçue, serait les hiérarchies de pouvoir qui doivent être démantelées et reconstruite à partir de zéro. On en a eu un bon exemple avec le communisme soviétique et ses avatars pittoresques à Cuba ou au Cambodge. Même en Suisse à rebours de toute réalité, le Conseil fédéral est accusé d’exercer une dictature par ceux-là mêmes qui finiraient par en établir une s’ils accédaient au pouvoir.
Le wokisme vise à combler la lacune de l’espace culturel et politique jadis occupé par Dieu : nous sommes la première civilisation qui essaie de vivre en réduisant les religions traditionnelles à l’espace privé. Comme la Nature a horreur du vide prolifèrent les substituts, c’est-à-dire diverses sectes woke : consuméristes, écologistes, nationalistes, intégristes, spécistes, proclimat, antiracistes, pro LGTB, tiersmondistes, homéopathes et naturopathes. Tout woke possède la vérité, la justice, la droiture, le refus du péché et le droit de juger. Avant que les tribunaux puissent se prononcer, il a déjà jeté l’opprobre sur des victimes qui n’en peuvent mais.
La condition de woke possède un aspect communautaire, en ce sens que les adeptes ont le sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand qu’eux qui leur garantit une justification morale. Ils croient qu’ils agissent toujours de manière juste, alors que ce n’est que parfois vrai. Souvent, tout ce qu’ils font n’est qu’une contenance, ou pire, une action destructrice des structures existantes. On aura reconnu les tares tellement évidentes des opinions extrêmes à gauche ou à droite.
La perversion du wokisme vient de ce qu’il instrumentalise les meilleures motivations du public, comme la compassion. Nous avons un désir réel de voir la vie des autres s’améliorer. Dès lors de nombreux chrétiens se sentent tenus d’être woke comme si c’était en accord avec les enseignements du Christ. Le wokisme interprète les concepts de vérité, de justice et d’équité en ne laissant aucune place à d’autres façons d’aborder ces questions que l’outrance, l’exagération et le fanatisme. Il attribue une culpabilité ou une innocence intrinsèque à l’individu en fonction de son identité de groupe, woke ou non, indépendamment de ses actions individuelles.
Or, la croyance au cœur de la culture occidentale et notre ordre juridique est que chaque individu mérite la dignité et le respect, même s’il erre ou a commis un délit. Telle est la proclamation de Jésus de Nazareth selon laquelle les prostituées et les publicains entreront au Royaume des Cieux avant les bien-pensants.
Le récit de justification que le wokisme avance est contradictoire au récit traditionnel de notre civilisation judéo-chrétienne. Les récits bibliques présentent le modèle de l’individu, en relation avec Dieu, comme le mécanisme principal de rédemption du monde. Par conséquent, le comportement du civilisé idéal est celui de la miséricorde, de la paix, de la bonté et du pardon. Le sommet de tout système politique est la recherche du consensus. C’est le secret actuel de la Suisse, de sa paix civile, de son unité dans la diversité, de sa réussite.
En revanche, le wokisme, se présente comme le modèle rédempteur de divers groupes qui se disputent le pouvoir contre un « système » prétendument oppressif (Démission d’Alain Berset !). Dans cette vision fragmentée du monde, seul existe le pouvoir et son contrôle est nécessaire pour démanteler un système corrompu. La violence est justifiée. De violentes émeutes, et pas seulement des protestations pacifiques, défigurèrent l’Amérique récemment. Trump a projeté une horde de woke à l’assaut du Capitole avec des morts à la clé. A Berne la pacifique, une manifestation antivax munie d’outils a tenté d’ouvrir les grilles protégeant le Palais fédéral.
Si tous les woke du monde s’unissaient, ce serait la fin de la démocratie représentative et l’amorce d’une nouvelle barbarie. Examen de conscience : sommes-nous, avons-nous été woke ?