Une chronique politique sans parti pris

A balles réelles

 

Cela vient de se passer aux Pays Bas. Trois manifestants blessés. C’est aussi inimaginable que si cela se passait en Suisse. Les Hollandais ont une culture de la démocratie et du consensus qui n’a rien à envier à la nôtre. Une minorité d’opposants aux mesures de contrainte contre la pandémie en sont venus à agresser les forces de l’ordre. Rappelons qu’à Paris, soumis à la révolte des gilets jaunes, la République n’en est jamais arrivée à cette extrémité.

La situation a donc empiré depuis. En Guadeloupe ce sont des manifestants qui ont tiré sur les forces de l’ordre : la situation est encore plus difficile qu’en métropole car la population rechigne à se faire vacciner, sans doute à cause de son faible niveau de formation et de ses convictions d’ordre religieux. Elle subit de plein fouet l’épidémie sans réaliser qu’elle en est responsable et non les pouvoirs établis. En Suisse, les sonneurs de cloche vont de ville en ville semer la bonne parole antivax. Ils expriment moins une revendication sanitaire que le refus d’écouter les pouvoirs établis. C’est une nouvelle forme de démocratie : le surgissement dans la rue d’une fraction minoritaire qui conteste les décisions des élus par la majorité des citoyens. C’est l’expression d’une souveraineté des individus par opposition à celle du peuple.

Le débat est moins entre partisans et opposants à la vaccination qu’entre démocrates et contestataires, entre les institutions existantes et une forme d’anarchie débouchant sur un pouvoir autoritaire. Cette crise sanitaire ébranle l’ordre établi qui cependant n’est pas sans mérite, qui assure un bien-être certain, qui a réduit l’insécurité et la criminalité, qui est notre façon librement choisie de nous gouverner. C’est ceci qui est contesté.

Qu’en sera-t-il lorsqu’une crise encore plus grave, celle de la transition climatique, ébranlera les certitudes les mieux établies, comme celle de la société d’abondance ? Déjà des pénuries alimentaires se profilent, déjà les riches se barricadent derrière des murs qui auront aussi peu d’effet qu’en eut la Grande Muraille de Chine contre les Mongols, le mur d’Hadrien en Angleterre, la ligne Maginot en France,  le Mur de l’Atlantique des nazis ou le Rideau de Fer des Soviétiques. Se barricader signale un aveu de faiblesse, la crainte d’un avenir incontrôlable.

Le mérite essentiel de la démocratie existante est de permettre la confrontation des opinions les plus diverses au sein d’un Etat de Droit, qui cherche par son parlement le consensus le plus large et choisit la version majoritaire. La contestation de cette méthode s’exprime par des accusations invraisemblables : pour certains commentateurs de ce blog-ci il n’y aurait pas d’épidémie spontanée mais une fausse fabriquée de toutes pièces par le pouvoir et les pharmas. Pour eux le Conseil fédéral est composé de criminels. Ils croient vraiment cela et le toutes-boîtes les conforte dans cette croyance : c’est tout à fait vrai puisque c’est imprimé.

Les manifestants défilent en clamant « Liberté ». Celle-ci est considérée comme un droit absolu sans aucune limite, comme si une société pouvait exister en laissant chacun faire tout ce qui lui plait. Ce n’est plus une société de citoyen, mais de consommateurs pervertis par une publicité qui leur fait croire qu’ils ont droit aux meilleurs services et aux meilleurs produits dans un libre-service auquel l’Etat est assimilé. Telle est la faille du système économique. Telle est sa perversion des mentalités. Tel est le défi à maîtriser pour surmonter la prochaine crise.

L’épidémie est une sorte de cours de répétition, de grande manœuvre qui décèle notre impréparation à la prochaine qui sera beaucoup plus grave.

 

 

 

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