Une chronique politique sans parti pris

Le plus grand parti est celui des mécontents

 

 

« Les 215 délégués et déléguées de l’UDC suisse réunis samedi à Montricher (VD) ont prôné un triple non lors des votations du 28 novembre prochain. Ils ont également adopté à une large majorité une résolution “face à la politique parasite des villes de gauche rose-verte”. »

Cette posture ne surprendra personne. Comme tous les partis populistes du monde, le plus important parti suisse est une fédération de mécontents, qui sont opposés aux objets les plus divers. Qu’est-ce qui unit l’hétéroclite refus suivant : de l’UE, du passe sanitaire, des minarets, et même du suffrage féminin (Uri, Schwyz, Obwald, Glaris, Appenzell: le 2 février 1971), sinon une tactique réflexe, qui consiste à recruter tous ceux qui ont quelque raison d’en vouloir au « système », c’est-à-dire au fonctionnement démocratique des institutions et à la majorité constituée par les autres partis ?

Sans avoir besoin d’exposer un programme de gouvernement, qui diviserait les partisans du non à tout, on peut bâtir le plus grand des partis par la conjonction multi partisane de tous les mécontents. Lorsque tous les autres partis sont d’accord, il reste toujours une minorité de contrariés : il suffit de les leurrer par quelques déclarations tonitruantes pour se les adjoindre.

Exemple la loi Covid. Il y a ceux qui refusent de se vacciner et ceux qui refusent d’exhiber un passe sanitaire. Par rapport à l’ensemble de la population, ce ne sont que deux minorités. Mais elles constituent un renfort bien venu aux  autres partisans qui sont animés par un réflexe nationaliste, identitaire, intolérant à l’égard de l’Islam.

Dans cette logique de l’absurde, un élu a comparé le passe sanitaire à l’étoile jaune imposée par les nazis aux juifs. La politique du Conseil fédéral est assimilée à celle de l’apartheid. Alain Berset est traité de dictateur par des citoyens qui n’ont jamais vécu sous une dictature. Le conseiller fédéral Ueli Maurer critique ouvertement le travail du gouvernement en rupture manifeste de collégialité.

Interrogée au 19h30 de dimanche, Céline Amaudruz n’hésite pas une seconde à refuser les propos sur l’étoile jaune: “Bien évidemment que je les condamne, ce sont des propos qui sont absolument intolérables et je ne peux pas m’y associer.” Ce qui va de soi à Uri ne passe pas du tout à Genève, le propos est à ce point outrancier qu’il devient odieux.

Mais les autres excès de langage ? N’en parlons pas. La Conseillère nationale est pour la vaccination, mais contre le passe qui divise la population et restreint les libertés. Que dire alors des discours rassembleurs de Parmelin prônant l’unité de la nation ? Réponse subtile : “En tant qu’élue, je salue l’exemplarité de Monsieur Parmelin, en tant que citoyenne je remercie Monsieur Maurer”. Il y a donc deux Céline Amaudruz, tout comme il y a plusieurs UDC. En disant non à tout, on finit par se contredire et il faut avouer un double langage. Il faut à la fois garder les campagnes en accusant les villes et, à un autre moment, se révéler civilisé au point de devenir acceptable pour un urbain.

Et donc on se trouve devant une contradiction radicale : un parti habitué à dire non, pour recruter le maximum d’adhérents, est bien emprunté pour formuler les ouis qui constituent un programme de gouvernement. Les deux Conseillers fédéraux UDC ou bien ne sont pas d’accord entre eux ou bien feignent de ne pas l’être. Ce grand parti d’opposition est non seulement incapable de gouverner mais aussi ne le désire pas dans la configuration actuelle de concordance et de collégialité. Son seul objectif serait de conquérir une majorité absolue, de constituer un gouvernement homogène et de passer à un autre régime que la démocratie. Il suffit de comparer avec les démarches de Trump, Bolsonaro, Orban, Erdogan, Morawiecki pour comprendre que la démocratie est assiégée partout par le plus grand des partis, le plus dangereux, celui de tous les mécontents.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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