Une chronique politique sans parti pris

Une pétition mesquine

« Le Grand Conseil vaudois a classé mardi une pétition des Démocrates suisses qui s’oppose à la reconnaissance de l’islam en tant que communauté religieuse d’intérêt public. Le débat a été court et le vote net : seule une partie de l’UDC a soutenu un texte qui estime que l’islam est une religion qui veut «organiser la société civile selon ses règles» et est «incompatible avec notre ordre constitutionnel et nos traditions». La pétition est classée. Elle ne sera pas renvoyée au Conseil d’Etat. »

Les pouvoirs publics en Suisse ne reconnaissent que l’utilité sociale d’une confession, bien évidemment pas sa validité spirituelle. Il n’y a pas de religion d’Etat. Il ne s’agit que d’aménager les relations obligées entre l’institution et les pouvoirs publics. C’est strictement l’affaire des Cantons qui s’organisent en fonction de l’implantation locale des Eglises. Les plus représentées sont les Eglises réformées, catholique romaine et catholique chrétienne. Dans la plupart des Cantons les ministres du culte sont rémunérés par l’Etat.

Telle est la situation de fait. Pas moins de 18 articles constituent le règlement d’application (24 septembre 2014) de la loi du 9 janvier 2007 sur la reconnaissance des communautés religieuses et sur les relations entre l’Etat de Vaud et celle reconnues d’intérêt public. Parmi les exigences la plus étonnante est celle de participer au dialogue avec les autres confessions. D’une certaine manière l’idée consiste à reconnaître le fait religieux en se gardant d’en accepter le monopole par quelque confession que ce soit.

En d’autres mots chaque religion doit admettre qu’elle n’est qu’une variante d’un principe universel, le besoin de la plupart des êtres humains de croire en quelque chose. Or la plupart des religions tiennent à une forme de justification, qui consiste à considérer les autres religions comme fausses. Tel est en tous cas l’état d’esprit dans lequel les missionnaires chrétiens se sont répandus dans le monde en tenant les religions locales pour nulles et en baptisant dans la hâte pour sauver des âmes qui sinon auraient été privées de salut.

Dans la pétition des Démocrates suisses, se révèle un reste de cette tendance : le christianisme est authentique, seule religion dûment inspirée, disposant d’une révélation divine ; les religions sœurs, le judaïsme et l’islam, ne sont que des contrefaçons. Pagnol dans sa pièce César met en scène la mort de Panisse qui reçoit les derniers sacrements et cependant s’inquiète : que se passerait-il s’il rencontrait une autre Dieu que celui prêché par le curé ? N’existerait-il pas plusieurs Dieux Uniques, chacun jaloux des autres? Comment parier sur le bon?

Dans cet esprit, si l’on ose dire, l’islam est la moins aimée des religions sur le territoire helvétique. Jadis ce fut le judaïsme, mais ce qui s’est passé durant les dernière guerre impose la retenue dans l’attitude que l’on prend à son égard. En revanche l’islam est malvenu : il dérange une bonne configuration des confessions chrétiennes, il sème un doute existentiel : ne disposerait il pas, par le plus grand des hasards, d’une forme d’authenticité ? Que serait une Suisse munie de deux ou trois religions sur pied d’égalité ? Comment un citoyen ordinaire s’y retrouverait-il ?

C’est bien pourquoi la Constitution fédéral interdit explicitement la construction de minarets. Le peuple l’a voulu à la majorité. Ce ne sont pas seulement les Démocrates suisses. De même, il en fut ainsi dans le Canton de Vaud jadis acquis à la Réforme. La première église catholique admise, la Basilique Notre-Dame, ne fut construite qu’en 1832, mais sans le clocher qui ne fut autorisé qu’en 1932. Il existe donc une crainte de toute religion établie de se voir concurrencée par une offre différente, si et seulement si elle est incarnée dans une tour. En pointant vers le ciel celle-ci s’approprie le Ciel. Une fausse religion doit être cantonnée au ras du sol.

Une foi authentique reconnaît, estime et encourage la foi des autres. Une foi précaire se complait dans des conflits mesquins. Il faudra un jour aller jusqu’à admettre que les pouvoirs publics rémunèrent les imams comme les pasteurs et les prêtres. Ou bien qu’aucun ne soit subsidié.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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