Une chronique politique sans parti pris

Le fantasme des OGM

« Les organismes génétiquement modifiés (OGM) devraient rester interdits dans l’agriculture. Le National a prolongé jeudi, par 144 voix contre 27, le moratoire jusqu’à fin 2025. Actuellement, la culture d’OGM n’est autorisée en Suisse qu’à des fins de recherche. Les essais en milieu confiné et la dissémination expérimentale sont admis sous certaines conditions. Le moratoire sur l’utilisation de ces organismes dans l’agriculture est en vigueur depuis l’acceptation d’une initiative populaire en 2005. D’une durée de quatre ans, il a été déjà prolongé trois fois. La prochaine échéance est pour la fin de l’année. »

De nos jours des OGM sont cultivés dans 30 pays sur 13% des surfaces agricoles mondiales. On peut logiquement supposer que les agriculteurs qui font ce choix n’y ont pas été forcés mais qu’ils ont estimé que cela améliorait leur rentabilité. Dès lors pourquoi interdire cette technique en Suisse alors que le parlement et le Conseil fédéral ont promulgué une loi adéquate et cependant inappliquée par suite de l’initiative ? Est-ce un avantage ou un inconvénient pour l’agriculture suisse ?

Par ailleurs, les applications médicales n’ont fait l’ombre d’une réserve éthique nulle part, même en Suisse. La première protéine recombinante d’intérêt pharmaceutique ainsi obtenue, dès le début des années 1980, est l’insuline humaine pour soigner les diabétiques, produite dans la bactérie Escherichia coli. Contrairement aux insulines extraites de pancréas animaux, celle-ci est véritablement de l’insuline humaine. Depuis, de très nombreuses protéines-médicaments sont produites par ce procédé : hormone de croissance, EPO (traitement des insuffisances rénales), facteurs de coagulation, interleukines (traitement de certains cancers)… Il est tout de même étrange que l’on n’ait pas d’objection à l’injection d’OGM mais bien à leur absorption. Il serait moins dangereux d’injecter un produit dans une veine que de dans l’estomac.

Essayons une fois de plus de définir de quoi l’on discute. La définition la plus simple serait la suivante : on appellerait organisme génétiquement modifié (OGM) un organisme dont l’ADN a été modifié par l’homme. Or c’est faux. Car, il n’y a dans une ferme aucun animal ou aucun végétal, qui ne soit pas un OGM au sens littéral du terme, obtenu par croisement et sélection. Il n’existe dans la Nature ni vaches, ni blé, ni vignes dans leur définition actuelle.

Et donc la définition légale de la loi suisse est laborieuse, voire incohérente. Elle réserve le terme d’organisme génétiquement modifié au résultat d’opérations humaines que la nature ne ferait pas d’elle-même, comme si le croisement et la sélection ne résultaient pas d’initiatives humaines.

« Par organisme génétiquement modifié, on entend tout organisme dont le matériel génétique a subi une modification qui ne se produit pas naturellement, ni par multiplication, ni par recombinaison naturelle. » (Loi suisse sur le génie génétique, art5 al.2)

Or la Nature ne fait pas d’elle-même des opérations de sélection au sens souhaité par les hommes. Le blé actuel a été sélectionné par les hommes pour que les grains restent attachés à l’épi, afin qu’on puisse les récolter, ce qui n’est pas dans l’intérêt naturel de l’espèce dont les semences doivent se disperser. Le blé moderne est le résultat d’une construction génétique unique : il contient le génome complet de trois espèces différentes Si un laboratoire, partant des espèces sauvages, reconstruisait un blé moderne par des techniques OGM, celui-ci serait légalement interdit à la culture. De même, si par croisement on parvenait à reproduire une espèce OGM déjà existante, les semences dites naturelles seraient autorisées, mais pas celles produites en laboratoire, bien qu’elles soient identiques.

En un mot, la définition légale ne porte pas sur le résultat, mais sur le procédé d’obtention. En conclusion, il n’y a pas de définition de l’OGM qui tienne la route.  C’est du verbalisme juridique. On ne sait pas de quoi l’on parle.

Bien plus qu’un problème technique, le génie génétique soulève donc une objection culturelle. Nonobstant la consommation d’OGM massive depuis une génération dans le monde entier, aucun risque pour la santé humaine ne s’est manifesté malgré l’évocation antérieure de possibles allergies, cancers, toxicités. Sous couvert de risques potentiels mais non manifestés des applications du génie génétique, se dissimule un problème essentiel : l’homme hésite au moment de toucher à la vie et de la modeler selon son désir, car il usurperait la position du Créateur et deviendrait totalement responsable de son destin. On peut le faire pour les médicaments, on ne peut pas pour les aliments.

Que la personne soit croyante ou non en un Dieu personnel ne change rien à ce sentiment d’effroi devant la manipulation de la vie. C’est le même réflexe qui entraine actuellement le refus de la vaccination pour près de la moitié de la population de la Suisse : ce n’est pas seulement le résultat de l’ignorance bien réelle de la biologie, mais aussi d’une croyance archaïque : tout ce que la Nature fait est juste, seul l’homme est une erreur.

Dès lors, il faut se rendre compte de l’état réel de la majorité de l’opinion publique. Elle n’a aucune idée de génétique, elle ignore ou refuse les mécanismes de l’évolution selon Darwin. On peut le déplorer mais le pouvoir politique doit en tenir compte : il ne sert à rien de passer en force et d’imposer les OGM à une opinion publique qui n’en veut pas.  Le Conseil fédéral n’est du reste pas un pouvoir puisqu’il ne peut décider en la matière. Il est plutôt dans la position du courtisan d’un souverain absolu, auquel il faut qu’il passe ses caprices et qu’il fasse des courbettes.

La Suisse est une championne de la recherche scientifique et de son application en économie. Cela définit sa prospérité manifeste. Les élus ont jadis accepté les OGM comme une technique agronomique parmi d’autres. Ainsi que la vaccination contre le Covid. Mais le peuple commence à douter de la science. Que faire?

Une commission scientifique dument mandatée par le CF a établi que les OGNM ne présentaient aucun danger. Pour l’opinion publique cette commission ne pouvait être qu’incompétente, corrompue et adepte du pouvoir. Ses conclusions sont donc nulles et non avenues. Tandis que le peuple, averti directement par le Saint Esprit, en ait davantage. Puisque tel est le cas pourquoi ne fermerions nous pas les universités et les écoles technique et ne désignerions-nous pas médecins, ingénieurs, chimistes, agronomes par tirage au sort? Cela épargnerait des sommes colossales et le résultat serait supérieur. Vive la sainte Ignorance!

 

 

 

 

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