Une chronique politique sans parti pris

Un clair-obscur législatif

 

 

Le 26 septembre nous voterons sur l’objet suivant. La Constitution est modifiée comme suit:

Art. 127a Imposition du revenu du capital et du revenu du travail

Les parts du revenu du capital supérieures à un montant défini par la loi sont imposables à hauteur de 150 %. Les recettes supplémentaires qui découlent de l’imposition à hauteur de 150 % au lieu de 100 % des parts du revenu du capital au sens de l’al. 1 sont affectées à une réduction de l’imposition des personnes disposant de petits ou moyens revenus du travail ou à des paiements de transfert en faveur de la prospérité sociale. La loi règle les modalités ».

C’est à la fois très précis sur un seul point (le revenu du capital est imposé 50% de plus que celui du travail) et absolument vague sur tout le reste. On ne sait ni ce que signifie le revenu du capital, ni quel montant sera fixé par la loi, ni comment l’argent collecté sera redistribué. Le parlement fédéral en décidera, en rajoutant peut-être une couche d’embrouilles. La majorité de droite et du Centre veillera à vider l’injonction constitutionnelle de sa traduction dans la réalité.

Comme un indépendant peut répartir librement son bénéfice entre salaire et revenu de son capital, on peut spéculer que cette dernière fraction sera réduite au minimum. Pour cette classe de contribuables, cette nouvelle législation ne rapportera pas grand-chose aux caisses publiques ou même rien du tout.

Restent les rentiers qui vivent de loyers, de dividendes et d’intérêts sur les valeurs mobilières. Dans la mesure où ils sont vraiment très riches, ils émigreront (en réalité ou en fiction) afin de bénéficier des recettes éprouvées de l’ingénierie fiscale. Comme ils sont devenus riches parce qu’ils ont réussi à échapper à la fiscalité, ils poursuivront dans cette voie.

Mais que deviendront les retraités de la classe moyenne qui se sont constitués un troisième pilier, trop modeste pour mettre en branle l’entremise des consultants fiscaux ? Ceux-là paieront vraiment. Et pour ceux qui n’ont qu’un deuxième pilier, leur caisse sera-t-elle taxée ? On ne sait pas. La seule réalité serait la baisse réelle des revenus de pensionnés.

L’inspiration de cette initiative est évidemment démagogique. S’il y a une majorité de citoyens qui n’ont que pas ou peu de capital, ils l’emporteront sur les autres. De la sorte, ils récompenseront la gauche. Celle-ci ne vise pas vraiment à réduire les inégalités, mais à fidéliser une clientèle d’électeurs, qu’il faut bien entendu maintenir dans la précarité. On peut donc spéculer que, si cette législation rapporte quoi que ce soit à la caisse publique, cela disparaîtra dans le brouillard des prélèvements obligatoires. La classe moyenne continuera à être écrasée par les prélèvements obligatoires.

Le but concret de la fiscalité est de prendre en charge les dépenses publiques. Que les riches supportent une charge plus élevée que les autres va de soi.  Et donc, le capital est taxé, ce qui est une singularité suisse, et le niveau de la taxation du revenu est très progressif. Il y a déjà une volonté de diminuer l’inégalité de revenu et de fortune. La singulière fiscalisation de la valeur locative constitue une autre imposition d’un revenu inexistant, un impôt réel sur un revenu fictif. De même que la législation actuelle considère comme un scandale d’habiter ses propres murs, la nouvelle législation sanctionnerait le fait de vivre de ses rentes, qui serait immoral, incivique, nuisible à l’économie.

Selon des estimations internationales, la lourde fiscalité existante établit une forme d’égalité en Suisse aussi bien qu’en Suède. Le but de l’initiative est donc différent : punir les riches, en les stigmatisant pour ce qu’ils sont et prétendument les réduire à l’égalité, sinon en réalité ce dont on peut douter mais surtout en fiction. C’est toujours Guignol qui rosse le gendarme. En somme, l’idéal des initiants est de considérer l’économie comme un jeu de Monopoly où l’on redistribue les billets à la fin d’une partie. Cela ne ferait pas partie de la vie sérieuse. Le capital serait obscène par sa nature même, il ne servirait qu’à entretenir une classe d’oisifs, il n’aurait aucune relation avec l’économie réelle, la création d’emplois, l’apparition de jeunes pousses, le progrès de la technique, l’allongement de l’espérance de vie.

Cette poussée actuelle de fièvre gauchiste appartient à une maladie infantile du socialisme. : « Toute classe, même dans les conditions du pays le plus éclairé, même si elle est la plus avancée et si les circonstances du moment ont suscité en elle un essor exceptionnel de toutes les facultés mentales, compte toujours et comptera nécessairement… des représentants qui ne pensent pas et sont incapables de penser. » Qui a dit cela?

 

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