Une chronique politique sans parti pris

Sur l’inflation des votations

Le 13 juin prochain, la peuple est appelé à voter sur cinq objets :

Initiative populaire du 18 janvier 2018 : «Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique»

Initiative populaire du 25 mai 2018 «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse»

Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19

Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme.

Chacun de ces objets vise une des menaces réelles que nous subissons : la pollution, l’épidémie, la transition climatique, le terrorisme. Chacun des citoyens votera selon sa perception personnelle de ces dangers, de ses obsessions, de ses intérêts. Personne n’est capable de maîtriser parfaitement ces quatre domaines de la vie publique, particulièrement complexes et intriqués. Personne n’est à la fois agronome, virologue, climatologue et policier

Ainsi , la campagne votera pour l’utilisation de pesticides et la ville contre : les agriculteurs savent le bénéfice qu’ils en retirent, les citadins n’en perçoivent que les dangers, réels ou imaginaires. En sens inverse la campagne se positionne comme si les dangers pour la santé étaient inexistants et la ville comme si l’économie n’était pas concernée. Personne ou presque n’aura le courage, l’attention, le temps et la compétence pour lire les textes soumis à votation et pour percevoir les résultats concrets de ces législations. Le peuple prendra ses responsabilités, assumera les conséquences et ne pourra se rebeller contre un gouvernement qui est dès lors démuni de toute responsabilité.

Est-ce une démarche raisonnable ? Oui, si l’objectif supérieur est l’adhésion de la population à la loi, c’est-à-dire sa propension à la respecter. Non, si l’objectif était de protéger le pays au mieux de la pollution, l’épidémie, la transition climatique, le terrorisme.

Ainsi,  il y a eu une foule de gestions différentes de l’épidémie, certaines exemplaires comme celle de Taïwan, d’autres catastrophiques comme celle du Brésil. En passant de Trump à Biden les Etats-Unis ont rattrapé une dérive meurtrière. Il y a donc moyen de lutter efficacement contre une épidémie ou bien de laisser aller les choses à vau l’eau. La Suisse ne se situe à aucun des extrêmes mais dans une modeste moyenne. La loi sur le Covid résulte des débats d’un parlement à l’image du peuple, elle n’est certainement pas ce qu’il y a de plus efficace. Donc il vaut mieux accepter une demi-mesure que rien du tout.

Les deux lois sur la pollution par les pesticides se situent aussi à mi-chemin de rien du tout et d’une décision rigoureuse impossible à obtenir en votation populaire. D’un côté on assure que leur application sera catastrophique, que la production agricole baissera et qu’il faudra importer des produits étrangers ne respectant pas les lois suisses. D’un autre côté on soutient que l’usage actuel des pesticides entraîne des affections, éventuellement mortelles. Aucune de ces deux thèses n’est appuyée sur des arguments objectifs. Le citoyen ne peut se déterminer en connaissance de cause. Il votera en fonction de ses préjugés du moment, plus ou moins influencés par les campagnes de propagande, plus ou moins développées et efficaces en fonction du financement à disposition.

Il serait possible d’économiser ces dépenses stériles en utilisant la révolution numérique jusqu’en ses derniers développements. Durant la session parlementaire, chaque vendredi soir, les citoyens seraient invités à valider ou non les votes du parlement durant la semaine écoulée. Le délai référendaire serait réduit à quelques jours et tous les objets seraient soumis au vote populaire. Ne serait-ce pas pousser la logique actuelle jusqu’au bout ? Mais à propos, serait-il encore nécessaire d’avoir un parlement fédéral ? S’il n’est déjà plus souverain aujourd’hui pourquoi le maintenir ?

On répondra qu’il étudie à fond les questions, dans les commissions qui rencontrent les représentants de tous les milieux concernés. Que les deux assemblées discutent au plenum. Qu’elles doivent se mettre d’accord sur le même texte. Que c’est un lieu privilégié pour la recherche d’un consensus. Que les parlementaires en apprennent et en savent un peu plus que le citoyen ordinaire. Sans doute. Mais alors pourquoi donner au peuple le pouvoir de les contredire ? Pourquoi tolérer que des intérêts particuliers, munis de bonnes finances, puissent bâtir cette contradiction ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quitter la version mobile