Une chronique politique sans parti pris

Le déni de science

 

 

Comme les guerres, les épidémies sèment une panique mentale au point d’annuler tout bon sens et de remettre en question l’environnement politique, sanitaire, économique et scientifique. Les efforts pour atténuer ces fléaux sont contrecarrés par la méfiance des individus. Ainsi, plus ou moins une moitié de la population refusera de se faire vacciner. Citons quelques extraits des commentaires reçus sur ce blog.

” Je dis pseudo vaccins non par anti-scientisme, parce que le professeur Péronne nous explique qu’à part le vaccin chinois, les autres ne sont pas des vrais vaccins, ce sont des manipulations génétiques de l’ARN. ”

« Les gouvernements européens ont acheté massivement ces vaccins comme celui de Pfizer, Moderna & Cie, vaccins préparés à la va vite, et sans qu’on puisse connaître leurs effets secondaires, »

« Imaginons donc qu’en mai 2021, un effet secondaire non anticipé, au hasard une paralysie totale des muscles entrainant la mort, touche 75% des personnes vaccinées »

Lorsqu’ils ne comportent pas  d’attaques personnelles, ces commentaires sont systématiquement publiés, par respect des opinions divergentes. Non pas parce qu’ils auraient quelque rapport que ce soit avec la réalité. Ils mettent en évidence qu’il existe une fracture béante dans l’opinion publique qu’il serait vain de dissimuler. Mieux vaut qu’elle s’exprime librement afin qu’on mesure le danger qu’elle représente. Concrètement, lorsque le vaccin sera disponible, si la majorité de la population n’y croit pas, il ne sera pas possible d’enrayer l’épidémie, la surcharge des hôpitaux, les confinements à répétition. On disposera d’une arme puissante contre le virus que l’on ne parviendra pas à dégainer. En Chine et en Russie des pouvoirs autoritaires mettent par la vaccination massive un terme à leur épidémie et pourront se remettre à travailler sans entraves. La Chine connaît en 2020 une croissance économique à l’opposé des pertes subies par les pays occidentaux.

Il s’impose de rappeler quelques notions élémentaires sur ce que la vaccination a signifié pour notre société. Jusqu’au XIXe siècle la variole entrainait une lourde mortalité infantile et des épidémies frappant toute la population, souvent qualifiées de pestes. La mort survient dans environ 30 % des cas chez les personnes non vaccinées. Parmi les personnes vaccinées, le taux de mortalité chute à environ 3 %. Lorsque la maladie pénétrait dans des régions où aucune immunité acquise n’existait, elle exterminait la population. Alors que l’on estime à 18 millions d’habitants la population du Mexique avant l’arrivée des conquérants espagnols, il ne restera vers 1600 qu’un peu plus d’un million.

Une vaccination n’est pas une mesure anodine. On estime qu’une à deux personnes par million de sujets vaccinés meurent d’une réaction à la vaccination. Néanmoins le bilan global est tellement positif que l’hésitation n’est pas possible pour les individus et pour la société. C’est choisir entre une chance sur trois et une chance sur un million de mourir.

Grâce à de grandes campagnes de vaccination menées dès 1958 à l’échelle du globe, la variole a pu être éradiquée en 1979, si bien que la vaccination a pu être stoppée. Il n’y a plus ni épidémie, ni vaccination.

La méfiance exprimée dans les commentaires mentionnés plus haut reflète une incrédulité bien plus générale qui englobe toute la science. Autant notre société repose sur un usage abondant des applications techniques ou médicales de la recherche scientifique, autant leur ignorance est encore répandue dans une fraction importante de la population Elle n’a donc pas confiance dans des décisions qui sont justifiées scientifiquement mais qu’elle assimile à celles du politique, prises en général sur base d’opinions ou d’idéologies, c’est-à-dire incertaines dans leur justification et dans leurs résultats.

Les sciences naturelles, dont fait partie la biologie, reposent sur une observation minutieuse de la réalité expérimentale dont sont déduites des règles, qui ne sont pas des dogmes mais des synthèses provisoires. À tout moment, un fait contraire peut entraîner leur modification. Mais ces énoncés scientifiques sont la moins mauvaise expression de ce que nous savons certainement à un moment donné. En faire fi, agir en dehors de leurs prescriptions diminue notre pouvoir d’action et peut mener à des catastrophes.

Les sciences ne reposent que sur un consensus humain, celui des spécialistes du domaine. Il se traduit par des publications, des colloques, des discussions. Un jeune chercheur peut ébranler le consensus existant s’il a de bonnes preuves à faire valoir. Sa découverte personnelle deviendra le nouveau consensus. Si Raoult ne parvient pas à convaincre la communauté médicale des bienfaits de l’hydroxy chloroquine, c’est parce qu’il n’apporte pas de preuve et non parce que la majorité des spécialistes seraient stupides ou corrompus.

Or c’est cela que supposent plusieurs intervenants sur ce blog. Ils imaginent un complot dans le grand style des James Bond où quelques magnats des pharmas terrés dans un souterrain bâlois empêchent les praticiens suisses de voir ce qui est évident et manipulent le pouvoir fédéral, qui serait selon leur pittoresque expression « à plat ventre » devant les pharmas. Autant dire que nos institutions politiques ne fonctionnent pas du tout.

Il est indispensable de sortir de ce roman feuilleton car nous avons des échéances sérieuses devant nous. La propagation de fausses nouvelles, d’opinions particulières, de certitudes affirmées sans preuves font partie du trumpisme, c’est-à-dire d’une dérive mortifère.  Ceux qui s’y livrent auraient intérêt à scruter leur conscience et à se demander s’ils n’agiraient pas de la sorte par exaltation de leur ego. C’est toujours tentant de s’imaginer avoir raison contre le monde entier parce que l’on serait un génie méconnu. Si l’on n’a pas de qualification dans un domaine, de fabuler que l’on en sait plus que ceux qui savent.

 

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