Une chronique politique sans parti pris

L’aménagement de la troisième vague

 

Les véritables patriotes, dont hélas le nombre se raréfie, se réjouiront sûrement de la courageuse décision de nos autorités : à savoir d’ouvrir les stations de ski et leurs remontées mécaniques pour les fêtes de fin d’année, contrairement aux décisions inverses, tellement timorées de nos voisins français, allemands et italiens. Les skieurs de ces pays auront donc une occasion de venir dans la Suisse si accueillante, de remplir à saturation nos hôtels, nos chalets, nos restaurants, même si la vie nocturne ne sera pas autorisée par une extrême précaution. On sait en effet que c’est seulement de nuit que le virus est contagieux.

Espérons que le Conseil fédéral résistera aux pressions indécentes qu’exerceront nos pays voisins. Par cette fermeté, la Suisse affirmera son autonomie, son indépendance, sa souveraineté face à l’UE dont elle a toujours refusé de faire partie. Il y aura un prix à payer, comme de juste. Le pire serait évidemment la venue de touristes belges, champions mondiaux de l’infection avec 1407 morts par million d’habitants alors que la moyenne mondiale plafonne à 186 et la Suisse à seulement 507. Rien n’empêche de les éviter en mettant ce plat pays en zone rouge et en imposant une quarantaine dissuasive. Bien évidemment, l’afflux de visiteurs étrangers acceptables, la cohue dans les remontées ou dans les restaurants d’altitude risque d’engendre des foyers (dits clusters par les connaisseurs) d’épidémie.

Et alors ? On n’a pas arrêté les transports en commun qui présentent des risques encore plus fort, mais qui sont indispensables pour les travailleurs modestes, démunis de voiture individuelle. Face à une épidémie, la prise de risque est inévitable sauf à confiner indéfiniment tout le monde à domicile. L’épidémie s’éteindrait, mais la population aussi.

Quelques directeurs d’hôpitaux des régions alpestres ont osé évoquer le risque de saturation de leurs établissements, déjà rudement sollicités en hiver par le soin des fractures des skieurs. C’est l’évidence. Mais que faire d’autre, sinon de se débarrasser des touristes étrangers en les renvoyant, vite fait bien fait, dans leurs pays d’origine comme s’ils étaient de simples requérants d’asile. Ne serait-ce pas du racisme que d’expulser des Congolais et pas des Allemands ? La Suisse ne peut pas se charger de toutes les jambes cassées de l’Europe. Si des Français attrapent le Covid en skiant en Suisse, il appartient à la France de s’en occuper. A chacun ses pestiférés.

La résistance de la Suisse face à la pression de la concurrence étrangère, complètement anéantie, illustre aussi une judicieuse règle de politique étrangère : il ne faut surtout pas que le continent cède à la tentation d’une coordination sanitaire. Ce serait mettre en place une autorité supranationale, voire mondiale plus tard. Certes une épidémie ne se contrôle vraiment qu’en agissant sur la totalité de la planète. Mais ce souci de traçabilité, d’efficacité, de rendement est bassement matériel. Affronter de face une épidémie, ne pas se laisser intimider, accepter courageusement les morts inévitables, autant d’attitudes qui témoignent d’un humanisme réaliste : sauver des vies oui, mais pas à n’importe quel prix. On estime à 2.7 milliards de francs la perte qu’encourraient les stations suisses si elles devaient fermer durant les fêtes de fin d’années. Cela doit amener à réfléchir, car cette somme colossale pèsera sur tous les contribuables, sur tous les citoyens tôt ou tard. Les morts ne seront-ils pas surtout des malades du diabète ou du cancer, dont le décès sera à peine anticipé ?

La Suisse accepte donc non seulement le risque, mais aussi une quasi-certitude de troisième vague. Mais elle l’organise, elle la prépare, elle la planifie. Car il y en aura d’autres jusqu’au moment aléatoire d’un hypothétique vaccin. D’ores et déjà une large majorité de la population a décidé de ne pas se faire vacciner. Elle consent donc à des vagues successives, mais en décidant d’en organiser tout de suite une troisième, à titre de cours de répétition. Quelle belle leçon de démocratie participative et préventive !

 

 

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