Une chronique politique sans parti pris

Les huit mensonges les plus graves en temps d’épidémie

 

Il ne suffit pas de mentir en politique, encore faut-il être crédible. C’est tout un art qui n’est pas à la portée d’un amateur maladroit. Seul le professionnalisme qualifie pour le pouvoir et même le pouvoir absolu. Jadis Hitler et Staline, plus près de nous Trump, Bolsonaro et Johnson furent ou sont encore de brillants imposteurs. La pandémie leur a donné l’occasion de se surpasser. L’écho de leurs désinformations retentit jusque dans les blogs. Surtout dans certains commentaires délirants que suscite  celui-ci. Sans doute ne peut-on pas parler de mensonges avérés, mais de fantasmes persistants, fondés sur une ignorance crasse des données les plus élémentaires de la biologie.

 

1/ Le virus a été fabriqué dans un laboratoire chinois.

L’origine réelle est connue. C’est un virus transmis de l’animal à l’homme. Ce fantasme est fondé sur l’hypothèse classique du savant fou, qui date du débat sur les OGM. Cette hypothèse est insensée parce que le prétendu savant fou serait la première victime du virus, à moins d’avoir inventé un vaccin avant de disséminer le virus. Ce qui ne fut pas le cas.

L’opinion publique entretient ce mythe, car elle a besoin d’un coupable d’abord pour apaiser son angoisse et ensuite pour dénier la force d’une Nature qui, a tout moment, peut nous menacer de disparition sans possibilité de la combattre.

 

2/ Le Covid n’est pas pire qu’une grippe saisonnière.

Le taux de létalité du Covid est de l’ordre de 1% alors que la grippe se situe à 0.1%. Aux Etats- Unis la pandémie a déjà tué plus de 220 000 personnes alors que la grippe en tue selon les années entre 12 000 et 61 000.

L’opinion publique s’efforce de croire que ce qui se passe est de l’ordre de la routine saisonnière plutôt que d’admettre qu’il s’agit d’une manifestation majeure de la Nature, sans remède à disposition.

 

3/Le masque ne sert à rien

Si le masque n’est pas une protection absolue pour celui qui le porte ou pour son entourage, il diminue la probabilité de transmission. Or il faut et il suffit de réduire le coefficient de transmission en dessous de 1 pour éteindre l’épidémie.

L’opinion publique est naturellement influencée par les déclarations fausses des autorités. «Le port généralisé du masque, partout et tout le temps, ne protège pas les personnes saines et peut même avoir un effet contre-productif, en relâchant les comportements».  Cette contre vérité a été formulée par Alain Berset le 5 avril 2020. En fait, elle servait à dissimuler que la provision de masques était insuffisante, par suite d’un dysfonctionnement des autorités fédérales et cantonales. Bien plus tard lors d’une conférence de presse, un journaliste impertinent a demandé au Conseiller fédéral comment il se faisait que le masque prétendument nuisible devenait obligatoire. La déclaration antérieure servait-elle de paravent à une négligence ? Une seconde fois enferré dans le mensonge, le Conseiller fédéral a affirmé qu’il n’y avait pas eu de pénurie de masques.

La conviction à Berne de l’inutilité du masque était telle que la présidente du Conseil national, Isabelle Moret, a expulsé en mars de l’enceinte des débats la seule parlementaire qui se soit présentée avec un masque. Ce qui était une faute est devenu une obligation.

 

4/ Les pharmas exagèrent la portée du virus pour vendre leurs vaccins.

La portée de l’épidémie est mesurée par des statistiques tenues régulièrement à jour par des autorités publiques, qui sont parfaitement crédibles du moins dans les démocraties. A ce jour la pandémie mondiale a déclenché 48 570 769 cas décelés et causé au moins 1 232 764 morts. Ces statistiques sous-estiment probablement les chiffres réels. La Suisse en est à 192 376 cas et 2 555 morts. La déficience du gouvernement belge, absent au début de l’épidémie, a entrainé 12 331 morts pour une population de 11 millions d’habitants. L’impact de la pandémie mesure l’efficacité des mesures prises.

L’opinion publique est par réflexe soupçonneuse des grandes entreprises qui réalisent des bénéfices incommensurables par rapport au revenu d’un individu. Faute d’admettre que c’est la sanction de la compétence, il est plus réflexe de supposer que c’est le résultat de fraudes.

 

5/L’hydroxychloroquine est un traitement efficace, interdit pour préserver le marché de médicaments plus coûteux et plus profitables.

Toutes les études systématiques ont démontré que ce n’était pas un traitement valable.

L’opinion publique est disposée à croire en un remède miracle qui se trouverait à disposition. Elle croit plus volontiers les affirmations de Raoult que celles qui le contredisent. Par symétrie avec la recherche d’un bouc émissaire, elle tâche de trouver un sauveur.

 

6/ La croissance du nombre de cas n’est que le résultat de la croissance du nombre de mesures.

Si c’était vrai cela signifierait que le taux de positivité devrait décroître avec le temps mais c’est l’inverse qui se produit. Le taux de positivité croit avec l’impact de la pandémie.

L’opinion publique est disposée à croire ce mensonge Parce qu’il y a eu une pénurie de tests au début de la pandémie. Dès lors il est tentant de croire que la croissance du nombre de cas détectés est un effet de la disponibilité des tests. C’est une sanction de l’impréparation des pouvoirs publics dont la crédibilité est atteinte.

 

 

7/ L’immunité collective nous protègera si on laisse l’épidémie se répandre sans prendre de mesures.

C’est le choix qui a été adopté par les pouvoirs publics suédois et anglais. Il est téméraire parce qu’il faut atteindre un taux de 60 à 70% de la population infectée pour que cette immunité joue. Entretemps le nombre de morts aura augmenté mécaniquement. Le taux de létalité par million d’habitants atteint 593 en Suède contre 158 en moyenne pour le monde.

Cette thèse reçoit un accueil favorable dans la population qui aspire à vivre normalement.

 

8/ Le vaccin contre le Covid 19 sera dangereux et devra être refusé.

C’est la thèse classique au sujet de tous les vaccins, alors que certains comme celui de la variole et de la poliomyélite ont réussi à éradiquer ces maladies. Avant qu’un vaccin soit validé il subit de nombreux tests rigoureux.

Une partie importante de l’opinion publique est méfiante à l’égard de la science en général.

 

Ce blog est adapté d’un article qui vient de paraître dans la revue Scientific American, qui est au-dessus de tout souçon quant au sérieux de ses publications. Il sera contesté par la cohorte des visiteurs qui croient en l’une au moins de ces désinformations.

Un point positif : alors que Trump a propagé ces huit fausses informations, le Conseil fédéral n’en a appuyé qu’une seule. Tel est le rapport entre les démocraties américaine et suisse. A cette aune nous sommes huit fois meilleurs.

La propagation de ces fausses informations nuit à la poursuite d’une lutte rationnelle contre la pandémie. L’opinion publique ne sait plus très bien à quel saint se vouer et doute de la compétence et de l’honnêteté des pouvoirs publics. Dès lors elle n’applique qu’avec réticence les consignes de sécurité. Les fausses nouvelles ont donc un impact sur le déroulement de l’épidémie et sur son bilan mortel. Plus tard, il faudra considérer que les mensonges en temps d’épidémie sont assimilables au négationnisme en temps de guerre et en tirer les conséquences pénales.

PS. Mon dernier roman vient de sortir “La carrière de craie”, Editions l’Harmattan. Se commande dans les bonnes librairies.

 

 

 

 

 

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