Une chronique politique sans parti pris

Cent idées pour un futur qui n’arrivera pas

 

Nicolas Hulot, éphémère ministre de l’environnement en France, a publié dans Le Monde du 7 mai une liste impressionnante de cent idées pour le changement dès la fin de la pandémie. Celle-ci est considérée comme une sérieux avertissement de ce qui pourrait nous arriver si nous revenions au comportement du début du siècle.

 

Le thème le plus important, incarné par plusieurs idées, est le soin de la planète : il est temps de réparer la planète, de nous réconcilier avec la nature, de nous adapter aux limites planétaires, d’éduquer nos enfants à habiter la Terre. Pour atteindre ce but, il faut renoncer à la société de gaspillage : il est temps d’apprendre à vivre plus simplement, de ralentir, de voyager près de chez nous, de distinguer l’essentiel du superflu. Pour cela la vie dans toutes ses formes doit être respectée : il est temps d’applaudir la vie, de laisser de l’espace au monde sauvage, de traiter les animaux en respectant leurs intérêts propres, de reconnaître l’humanité plurielle, de déclarer le racisme comme la pire des pollutions mentales. Enfin, cela suppose une révolution des mœurs : il est temps d’établir l’égalité absolue entre les hommes et les femmes, de tendre la main aux humbles, de créer un travail qui épanouit, de croire en l’autre, de ne plus se mentir.

 

On aurait envie de citer ces cent pensées pour l’avenir car chacune représente une facette d’une lente révolution des mentalités. Ce sont pensées de la gauche éternelle, des révolutionnaires, des rebelles, des révoltés. C’est une très vieille inspiration puisqu’elle remonte à plus de deux millénaires et qu’elle a réussi à engranger des réformes depuis deux siècles. La santé pour tous, le droit à une pension, le soutien des chômeurs, le suffrage universel, la paix plutôt que la guerre, la répression des violences domestiques, la préservation de l’intégrité corporelle des enfants. Un long chemin a été parcouru dans la direction esquissée par ces cent pensées.

 

Qu’en sera-t-il dans une décennie ? Cela dépendra de l’action politique, de la prise de pouvoir par des partis sensibles à ce programme, par l’ajustement d’une législation fondée sur un compromis acceptable pour le plus grand nombre. En prenons-nous le chemin dans l’immédiat ? On peut en douter. Dès qu’il fut rassemblé le parlement fédéral a gratifié les crèches de 65 millions et Swiss et autres compagnies aériennes de 1.5milliards. Telles sont les importances respectives des familles et des avions, du bien-être des citoyens suisses et des intérêts de compagnies étrangères, car Swiss est en fin de compte allemande, les services aéroportuaires et la restauration sont chinoises.

 

Arguments invoqués : «Le secteur de l’aviation revêt une importance systémique pour la Suisse. L’industrie aérienne génère environ 5% du produit intérieur brut, ce qui équivaut à la valeur du secteur bancaire», a rappelé le ministre des Finances Ueli Maurer lors du débat à la Chambre du peuple. Environ 40% des marchandises exportées et 20% des marchandises importées sont transportées par voie aérienne. En outre, plus de la moitié des touristes étrangers viennent en Suisse par avion. »

 

Fort bien. Mais ce transport aérien engendre un cinquième de l’empreinte CO2 de la Suisse. Allons-nous continuer à voyager de la sorte ou, pire, transporter des marchandises qui pourraient voyager par train ou bateau ? Si la réponse est positive, cela signifie que l’on n’est pas prêt à changer de consommation. Cela signifie que l’on est prêt à subir la transition climatique de plein fouet.  Décidément la pandémie n’a rien appris à la majorité du parlement. Les cent idées de Nicolas Hulot sont déjà à la poubelle.

 

 

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