Une chronique politique sans parti pris

Le mensonge d’Etat

 

Ce qui vient de se passer devrait au moins apprendre à l’opinion publique qu’elle est régulièrement trompée par le pouvoir en place, politique, économique, culturel et religieux. Beaucoup et adroitement en dictature, moins et maladroitement en démocratie.

Comme tout spectacle de magie, la politique recourt à l’illusion. Pour défendre une cause injustifiable, elle détourne l’attention des citoyens de la réalité présente et remplace celle-ci par une utopie située dans un futur commode. C’est l’objectif de la langue de bois ou encore du mentir-vrai : le discours politicien s’organise autour de faits fictifs auxquels est appliqué une logique fantaisiste. Le présent est caché par une utopie à venir, qui permet un instant de rêver et de s’évader de la dure réalité.

L’épidémie s’est étendue au-delà de son foyer initial Wuhan, parce que le régime communiste chinois est fondé comme toute dictature sur la dissimulation de la vérité à tous les échelons. Ici c’est un pouvoir local, profondément ignorant et incompétent, qui a tâché de bâillonner les médecins faisant strictement leur métier. Lors que le virus a débarqué aux Etats-Unis, le plus grand menteur de tous les temps, l’homme le plus puissant du monde, Donald Trump a prétendu le 29 février que le virus disparaitrait « par miracle », le 2 mars que le vaccin sera disponible « bientôt », le 15 mars que la situation était « sous contrôle ». Depuis son investiture on a décompté méticuleusement 16 241 mensonges, soit en moyenne une quinzaine par jour.

Face à cette performance, les Européens sont de médiocres amateurs. Ils se sont rejoints dans une mystification de bas niveau, affirmant que le port du masque ne servait à rien, pour dissimuler l’absence de stocks. Or Taïwan, dans sa lutte contre le Covid-19, est l’un des territoires les moins frappés par la pandémie, avec une centaine de cas confirmés et un seul mort. Dès le 31 décembre, soit trois semaines avant que les autorités chinoises et l’OMS ne donnent l’alerte d’une transmission humaine d’un coronavirus, Taïwan est le premier Etat à passer à l’action : tout le monde y porte le masque.

Dans le même registre, dès que l’hydroxychloroquine a été utilisé avec quelque succès à Marseille, la propagande officielle française a dépeint avec complaisance ses effets secondaires dramatiques alors que c’est un antipaludéen employé couramment sans que l’on parle de ses inconvénients.

Autre petite entorse hypocrite : comptabiliser les seuls morts à l’hôpital en prétendant ne pas savoir combien sont décédés dans les EMS. Révélateur de l’inconscient politqiue : ceux-là ne comptent pas vraiment puisqu’ils consomment sans produire.

S’ils n’avaient pas entrainé des morts, comme seraient attendrissants ces petits mensonges européens, tout comme le retard à la seule mesure restante, le confinement tardif au grand dam de l’économie. Lorsque ce blog énonce cette vérité élémentaire, il se trouve des commentateurs pour affirmer que c’est une basse attaque contre le fédéralisme, d’autres que c’est un complot pour instaurer une dictature mondiale, d’autres encore que l’on ne puisse mettre en cause la Conseil fédéral sans offenser la démocratie. Il est très difficile de demeurer au niveau d’un débat d’idées sans tomber dans l’invective, l’insulte ou le pugilat. Le mensonge crée des victimes consentantes qui deviennent des complices. Victimes d’une tromperie, ils en sont vexés au point de la défendre.

Autant le chercheur ou l’enseignant visent à clarifier leur pensée, à l’asservir à la réalité, à l’exprimer, par écrit ou oralement, de façon à être le plus clair possible, dans le but d’être compris, autant l’homme politique ne peut se permettre un tel luxe. Il tranche une foule de questions auxquelles il n’entend rien et sur lesquelles il ne peut agir, mais qu’il doit feindre de maîtriser : par métier, c’est un prometteur de beaux jours.

La langue de bois est l’outil de cette non-communication, qui permet de dissimuler les contradictions. Le politicien énonce rarement le véritable mobile de son attitude, parce qu’il est peu avouable. Il utilise donc une foule de mauvaises raisons auxquelles il ne croît qu’à moitié : statistiques tronquées, citations faussées, références inventées, raisonnements approximatifs, évocation rituelle des grands idéaux, recherche d’un bouc émissaire, omniprésence dans les médias, isolationnisme, court-termisme, éviction des voix discordantes. Plus l’orateur est éloquent, moins il est transparent. Plus il hausse la voix, plus il cherche à étouffer celle de sa conscience. A force de ne pouvoir dire ce qu’il pense, le politicien finit par ne plus savoir ce qu’il pense, s’il pense quelque chose ou même s’il est possible de penser.

Si un dictateur souhaite réussir, il doit combiner les deux méthodes :d’une part, la police, la torture et le camp de concentration ; d’autre part la censure, la propagande et les meetings de masse. Même si les citoyens opprimés soupirent à cause des pénuries ou de la répression policière, il faut qu’ils soient d’une certaine façon convaincus que le pouvoir possède une légitimité et qu’en dehors du pouvoir en place (Poutine, Orban, Xi Jinping) pour le meilleur et le pire, il n’y a que l’aventure.

Tous les régimes totalitaires y ont recours. Cela signifie que la force a besoin de la persuasion comme complément obligé et comme alibi. Le crime cesse d’en être un, s’il est nié avec effronterie, s’il est excusé par une idéologie ou une religion. Persuasion et dissuasion se renforcent par la complicité de l’intellectuel et de la brute. Goebbels a fait au moins autant de mal que Himmler, Marx autant que Staline tout en se donnant les allures d’intellectuels. Comme par hasard les deux régimes s’en sont pris aux scientifiques : Einstein a été expulsé parce que juif et donc l’auteur d’une fausse science ; Sakharov parce que défenseur des droits de l’homme dans le système soviétique ; Assange persécuté par les Etats-Unis dont il a dévoilé des secrets trop embarrassants.

« La raison est austère et la superstition séduisante. La science n’épuise pas le réel tandis que l’ignorance ne l’effleure pas. »

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