Une chronique politique sans parti pris

Le leurre de la taxe indolore.

 

 

Dès l’organisation des premiers royaumes, des taxes et des impôts ont été levés, de manière plus ou moins équitable, mais en soulevant toujours la mauvaise humeur des peuples. Et cependant, il faut de l’argent public pour nos routes, nos hôpitaux, nos écoles, notre armée, notre police et, même, des fonctionnaires pour collecter cet argent. Les Etats assurent des services publics totalement indispensables.

 

Si ce n’était que cela, ce serait accepté sans discussions. Mais l’Etat s’est engagé dans une extension de sa mission séculaire. Il garantit maintenant les pensions, rémunère le chômage, propose un service de santé presque gratuit, diffuse un service public de télévision et de radio, subventionne les théâtres, les orchestres et les musées. Ce sont autant de projets louables, mais dont l’extension est illimitée. Car les besoins le sont aussi. Certains traitements médicaux coûtent une fortune, la formation tertiaire en conformité avec le dynamisme de l’économie mérite un lourd investissement, le chômage fluctue dans de fortes proportions. Et puis s’ajoute maintenant la réduction de l’empreinte carbone, l’accueil des réfugiés du climat, la perte d’emplois énergivores.

 

Or, l’empreinte fiscale est déjà à la limite de l’acceptable. La Suisse ne serait qu’à 29.5% de PNB, bien modeste à côté de la Suède à 50,6%. Il n’en reste pas moins que, en Suisse aussi, le revenu disponible d’une partie des ménages a diminué malgré l’augmentation des salaires et la baisse des impôts. Cela s’explique par la hausse générale des cotisations aux assurances sociales et des primes d’assurance maladie, outre la progression des prix du logement, laquelle varie d’une région à l’autre. Ce qui est normal pour un Suédois ne semble pas l’être pour un Suisse.

 

Dès lors qu’il faudra davantage d’argent public pour assurer la transition climatique, l’argument utilisé dans le discours politique est celui de la taxe indolore. Traditionnellement c’était la TVA dont les augmentations servent un peu à tous les comblements de déficit : l’AI, le FAIF, l’AVS. En principe le consommateur ne s’en rend pas compte car c’est inclus dans sa facture de supermarché, mais il débourse tout de même cet argent, compare les prix suisses avec ceux de la France voisine et pratique le tourisme d’achat. C’est indolore pour lui mais pas pour l’économie nationale

 

L’innovation politique de l’année est la taxe redistribuée, une contradiction dans les termes, qui consiste à prélever une taxe, qui ne serait pas intégrée dans le budget public mais, en tout ou en partie, ristournée aux contribuables. L’idée est tellement idiote qu’il faut toute la naïveté des citoyens pour qu’elle puisse être ainsi énoncée.

 

Bien évidemment si l’Etat prélève une taxe et ne l’utilise que pour rembourser les contribuables, cela ne sert strictement à rien. Si l’essence est renchérie pour en diminuer la consommation mais que le consommateur reçoit un subside équivalent, la consommation d’essence ne diminuera pas puisque le pouvoir d’achat de l’individu reste le même.

 

En fait l’idée est moins idiote qu’il n’y parait à première vue car cet aller-retour du produit des taxes ne se produira pas. D’une part, tout le produit des taxes ne sera pas remboursé, mais un quart ou un tiers servira à subsidier les investissements diminuant l’empreinte carbone. D’autre part la redistribution au contribuable selon la technique de l’arrosoir bénéficiera plus aux uns qu’aux autres. La taxe sur l’essence diminuera le pouvoir d’achat de celui qui doit se rendre en voiture à son travail, mais ne prélèvera rien sur celui qui n’a pas d’automobile parce qu’il n’en a pas besoin, parce qu’il réside dans une ville amplement desservie par les transports publics. Ou encore parce qu’il est assez riche pour ne pas devoir en tenir compte.

 

Dans cette affaire, comme toujours, il y aura des gagnants et des perdants. Le tout est de rédiger les lois et ordonnances de façon que les premiers soient plus nombreux que les seconds pour assurer une victoire en cas de votation. Ce n’est pas une politique intelligente pour diminuer vraiment notre consommation de combustibles fossiles. C’est un alibi pour faire croire que l’on exerce une action et rester en fait les bras croisés. C’est une astuce pour financer une politique minimaliste en s’en prenant  à la classe moyenne, celle qui n’est organisée ni à droite, ni à gauche.

 

 

 

 

 

 

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