Une chronique politique sans parti pris

Qu’est-ce qu’un Vaudois de souche?

 

 

Vaste question, qui est suggérée par mon dernier blog, portant sur la représentativité du parlement fédéral en fonction des différentes catégories de la population résidante : nationalité, sexe, âge, formation, religion. Le débat portait sur la pertinence d’une représentation qui se calquerait plus ou moins sur ces catégories et qui n’en négligerait aucune. Ce débat n’a pas été tranché. La solution classique du parlement tiré au sort n’enthousiasme personne. Et donc le parlement qui sera élu ne représentera pas du tout correctement les jeunes et les aînés, les femmes, les personnes sans formation post-obligatoire, les musulmans.

 

Tel était le débat, purement académique, mais il a dévié pour donner suite à plusieurs commentaires passionnés, qui insistaient sur le fait que ce parlement représente trop la catégorie des naturalisés. Ceux-ci sont accusés de tous les maux à commencer par l’élection du Conseil d’Etat vaudois où les fraichement naturalisés sont majoritaires. Peu importe que Pascal Broulis ait redressé les finances cantonales et réduit la dette. Il n’aurait pas dû être en position de le faire, même s’il avait fallu mettre à sa place un vrai Vaudois, qui aurait creusé la dette. On ne demande pas d’abord à un exécutif de remplir sa fonction mais d’être surtout l’expression de l’identité vaudoise.

 

Mais encore ? Abandonné à lui-même, ce peuple vaudois a tout de même élu cet excellent ministre des finances à la place d’un vrai Vaudois, incompétent. Pour sortir de cette impasse, le commentateur, que je ne blâmerai pas en mentionnant son nom, propose deux remèdes radicaux.

Le premier consiste à ne pas conférer au nouveau naturalisé le droit d’élire ou d’être élu. Il aurait donc le statut de métèque réservé dans l’Athènes antique aux hommes libres, qui n’étaient pas citoyens. Non seulement le naturalisé serait réduit à cette portion congrue mais il en serait de même pour ses descendants sur dix générations, soit trois siècles environ.

 

Le second remède encore plus radical consiste à établir un moratoire sur les naturalisations qui seraient suspendues pour un siècle.

 

Le cumul de ces deux mesures assurerait prétendument une préservation de la biodiversité représentée par l’espèce menacée des Vaudois de pure souche. Mon honorable correspondant ignore apparemment qu’à chaque génération les Suisses dit de souche diminuent d’un tiers par suite de la dénatalité. Dès lors une population de ce type, isolée pendant dix générations, est égale à 66% à la dixième puissance, soit calcul fait à 1,5% de la population initiale, c’est-à-dire pratiquement éteinte.

 

Si un lecteur doute que ce genre de propositions délirantes aient été faite, il n’a qu’à consulter les commentaires du blog « Le parlement fédéral représente-t-il la population ? ».

 

Cela renvoie à une autre question. Comment les Vaudois dit de souche se sont-ils perpétués ? La réponse est évidente : par croisement avec des immigrés. Tout d’abord les Huguenots à partir de la fin du XVIe siècle au nombre de 300 000 lors de la Révocation de l’Edit de Nantes. Soit dit en passant, ils furent accueillis au nom de la religion et non refoulés. Leçon de l’Histoire à méditer aujourd’hui pour les requérants d’asile..

 

Puis les émigrations de travailleurs italiens, espagnols, portugais dès le siècle dernier. L’accueil des Hongrois en 1956. Enfin aujourd’hui par l’aspiration des travailleurs les plus qualifiés de France, d’Allemagne, de Belgique, du Canada et même des Etats-Unis. Un quart des médecins fut formé à l’étranger. Seraient-ils absents que la qualité des soins se dégraderait.

 

Quel est le Vaudois prétendument de souche qui puisse affirmer sur base de documents que, sur dix générations, aucun de ses ancêtres n’ait appartenu à ces vagues d’immigrants, qui n’ont pas appauvri et dégradé le pays mais l’ont au contraire enrichi et élargi sa vision.

 

La démocratie repose sur l’idée que tous les hommes sont égaux. Le christianisme repose sur l’idée que les étrangers doivent être accueillis. La véritable question posée avec insistance par le présent blog est donc la suivante : comment est-il possible qu’aujourd’hui, dans une Suisse démocratique, de souche chrétienne, prospère et apaisée, de tels commentaires puissent être proférés, contraires à la réalité du passé, augurant d’un avenir funeste, représentant le programme du plus grand parti de Suisse ?

 

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