Une chronique politique sans parti pris

Le parlement fédéral représente-t-il la population?

 

La question est de pure forme car, à consulter les chiffres, c’est évidemment non. Tout d’abord, le quart de la population résidante est étrangère, quatre cinquièmes d’immigrés et un cinquième né en Suisse de parents étrangers. A de rares exceptions près, c’est un record mondial. La Suisse est davantage terre d’immigration que les Etats-Unis ou le Canada. Avec la différence qu’ici la naturalisation est une sorte de parcours du combattant qui décourage d’authentiques Helvètes, nés et intégrés mais sans le passeport. Ensuite la moitié des électeurs inscrits s’abstiennent. Il reste donc 37.5% de votants. Avec moins de 20% de résidents représentés, on constitue une majorité.

 

Cette minorité de fait va-t-elleélire en proportion des classes de la société. Pas du tout. Dans quelle mesure les élus représentent-ils la population en termes d’âge, de sexe ou de religion ? Quels groupes de la population sont surreprésentés – lesquels manquent ? Quel rôle cela joue-t-il réellement ? Sur les 246 parlementaires, il y a 177 hommes et 69 femmes. Pour une représentation équilibrée il faudrait que 56 hommes soient remplacés par 56 femmes. En matière d’âge, c’est encore plus criant : il n’y a que trois parlementaires de moins de trente ans : il manque 48 parlementaires pour représenter statistiquement cette classe d’âge. Idem à l’autre bout de l’échelle. Il n’y a que cinq parlementaires qui ont plus de 69 ans : il en manque 33. En revanche la classe 50-69 ans comporte 92 représentants de trop.

 

Cette sous-représentation des jeunes et des aînés a deux causes différentes. En dessous de trente ans, les jeunes sont souvent préoccupés par le lancement de leur carrière professionnelle qui ne leur laisse que peu ou pas de disponibilités pour passer chaque année 100 jours à Berne. Quant aux aînés, déjà retraités et totalement disponibles, les partis ont tendance à les éliminer sous prétexte de laisser la place aux jeunes, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas.

 

Or les jeunes représentent un potentiel précieux par suite de leur ouverture à la société d’aujourd’hui, à sa numérisation et à sa mondialisation. Les anciens disposent d’une expérience qui les fait relativiser les conflits subalternes et transitoires et rechercher les solutions de consensus. Et enfin les deux catégories ont un intérêt particulier pour le régime des pensions : les jeunes parce que les pensions promises risquent de ne pas être assurées, les aînés parce que leurs pensions ne sont pas indexées et souvent insuffisantes.

 

Le dogme du parlement de milice joue un mauvais tour. En acceptant qu’un parlementaire doive vraiment gagner sa vie par une activité professionnelle et que son activité politique ne soit qu’un à-côté, une sorte de hobby, on élimine de fait des catégories professionnelles au bénéfice d’autres. Les professions libérales, les chefs d’entreprise, les paysans, les syndicalistes, les cadres, les fonctionnaires ou les élus communaux et cantonaux, les enseignants peuvent plus facilement organiser leur charge de travail qu’un employé ou un ouvrier au bas de l’échelle. Ces derniers sont donc les grands absents. On le remarque en comparant les formations : il n’y a aucun représentant de ceux qui n’ont fait que l’école obligatoire, il en manque 80 pour ceux qui ont fait un apprentissage alors qu’il y a 133 universitaires de trop.

 

Que conclure ? Certes aucun parlement au monde ne représente un échantillonnage statistiquement correct de la population. La seule façon serait de le tirer au sort. Est-ce important ? Oui car un parlement composé surtout de sexagénaires et de quinquagénaires adopte une vue des problèmes conforme à ses intérêts et à ses préjugés. Assez souvent une loi votée par cette assemblée est combattue en referendum et annihilée. Le pouvoir réel appartient au souverain populaire. Le parlement fédéral est surtout une chambre de réflexion qui propose et ne dispose pas. Avoir une composition privilégiant les diplômés de l’enseignement supérieur n’est donc pas un obstacle dirimant. Comme la Suisse est le pays le plus prospère et le plus paisible, elle démontre que le parlement n’a pas besoin d’être représentatif.

 

 

 

 

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