Une chronique politique sans parti pris

A quoi peut servir un réfugié ?

 

Le doute n’est plus permis : après la Syrie, l’Afrique a vocation de se déverser dans l’Europe. Ce n’est pas la première fois. Voici trente ou quarante mille ans les premiers Homo Sapiens, venant d’Afrique, ont utilisé le Moyen-Orient pour accéder à l’Europe et se mélanger aux Neandertal résidents dont nous avons hérité le génome à dose homéopathique. Le résultat a été brillant : les langues, la science, l’art, la politique de notre continent ont envahi toute la planète. Un réfugié constitue donc un apport plutôt qu’une charge. Nous sommes tous des descendants de réfugiés, surtout les Homo Sapiens.
Angela Merkel l’a compris la première, elle accueillit en Allemagne au moins dix fois plus de réfugiés syriens qu’en France et elle en perdit aussitôt le pouvoir. En tenant compte de la population, le Liban en héberge 250 fois plus que toute l’Europe ensemble. Ce sont des dimensions auxquelles nous n’échapperons pas. L’ère des invasions recommence. Nous ne l’arrêterons pas avec des barbelés ou de la paperasse. Au moment des grandes invasions germaniques du sixième siècle des sénateurs s’en indignaient à Rome sans aucun effet sur le Rhin. Cette impuissance des légions a permis l’installation en Suisse des Burgondes et des Alamans dont nous sommes les fiers descendants.
Puisque nous serons envahis de toute façon, comment en tirer le meilleur parti, pour éviter de dire le moins mauvais ? La première solution est purement humanitaire, carrément idéaliste et politiquement incorrecte. Comme tout réfugié est protégé par les conventions internationales, nous devons l’accepter a priori en attendant d’examiner sa demande, sans chercher de fausses excuses pour ne même pas entrer en matière. Et donc accepter de délivrer à nouveau des visas dans nos représentations diplomatiques pour éviter le mortel parcours du combattant, en radeau pneumatique et en jogging. Bien entendu, si la Suisse était seule à faire son devoir, elle créerait un appel d’air considérable et serait submergée. Le respect de la tradition humanitaire suppose une entente avec nos voisins européens. Cette entente suppose que nous soyons conscients de notre relation au continent. Un bon tiers de nos concitoyens croient au contraire que nous sommes une île au milieu du Pacifique.
Si nous ne parvenions pas à considérer tous les réfugiés comme des êtres humains à part entière, il reste la ressource de filtrer les arrivants, mais comment ? La Hongrie songe à la religion, comme si le christianisme, dont elle se réclame, prescrivait ce genre de discrimination d’inspiration tribale. La Suisse penche pour les cas les plus urgents : malades, handicapés, femmes seules avec enfants. Tôt ou tard, quelqu’un imaginera de sélectionner sur base de la compétence professionnelle et de favoriser ingénieurs et médecins, plombiers et maçons.
Bref un réfugié, bien utilisé, peut servir de multiples projets plus ou moins cohérents : donner une bonne conscience inoxydable à des Allemands en manque historique ; compenser le déficit démographique de tous les pays surtout ceux de l’Est vidés par la migration interne à l’Europe ; pallier la pénurie de main d’œuvre qualifiée ; obliger la Suisse à s’entendre avec le reste de l’Europe ; voire recruter des chrétiens intégristes pour la Hongrie. Le réfugié, tout bien considéré, est un homme ou une femme à tout faire. C’est une ressource de notre époque qui est trop négligée.

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