Une chronique politique sans parti pris

Une votation délibérément ambigüe

Le 19 mai 2019 le peuple suisse s’exprimera sur la Loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA). La confusion de deux objets en un seul texte a suscité un référendum, selon lequel associer impôts et AVS empêche les citoyens d’exprimer leur volonté de manière claire et fait obstacle à des réformes structurelles de la prévoyance vieillesse.

Le bon sens, le respect de la Constitution et la souveraineté du peuple invitent à exprimer le même avis en se fondant sur la règle d’unité de matière prévue par la Constitution. « Lorsqu’une initiative populaire ne respecte pas le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière ou les règles impératives du droit international, l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle. Art.139.3 Cst. ». Si un texte élaboré par des initiants doit respecter cette règle, il semble qu’a fortiori la même norme devrait s’appliquer sur toute proposition émanant des Chambres fédérales. Celles-ci ne peuvent s’autoriser pour elles ce qu’elles doivent refuser aux autres : proposer à la votation une loi qui ne respecte pas l’unité de matière. Même si cette règle n’est pas explicitée dans ce cas, elle se conforme à l’esprit de la Constitution et au fonctionnement normal de nos institutions

En effet l’unité de matière respecte le droit des électeurs de se prononcer en toute indépendance et clarté. En revanche, la juxtaposition de deux objets, qui n’ont rien à voir ensemble, ne peut avoir d’autre but que de composer une majorité disparate, en obligeant certains à voter pour le tout, alors qu’ils le refuseraient pour un des deux objets présenté isolément. Cela s’appelle forcer un vote en posant une question ambigüe. Il s’agit donc d’une transgression de la démocratie helvétique, qui donne au souverain populaire le droit de recourir contre les décisions du Parlement fédéral et de décider en dernière instance. En l’occurrence, il ne peut l’exercer. Le Parlement aurait dû rédiger deux lois distinctes pour les soumettre au peuple en respectant l’autonomie de celui-ci. Mais il savait que ni l’une, ni l’autre ne passeraient le cap du vote populaire. Dès lors, il a utilisé ce qu’il faut bien appeler un subterfuge, un piège, une tromperie,

Les institutions helvétiques sont notre plus précieux atout pour la stabilité, la prospérité et la paix du pays. On ne peut les éreinter pour des raisons d’intérêts subalternes. Dans un législatif ou un exécutif, les groupes ou les assemblées peuvent être amenés à présenter des solutions de compromis. Mais ici, il ne s’agit pas ici d’un texte portant sur un objet unique, où l’on aurait cherché une solution convenant au plus grand nombre de citoyens, qui en votation populaire pourraient soutenir le projet sans arrière-pensée. De droite ou de gauche, un électeur ne peut se rallier à cette loi qu’en dépit de sa conviction. Les deux milliards pour l’AVS sont un pourboire jeté à la face d’un peuple réduit en servage.

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