La vieillesse est une maladie incurable

«  Si Pierre Beck avait été acquitté , il aurait fallu changer la loi en Suisse

De quelle loi parlons- nous ? De la loi suisse sur l’assistance au suicide . Et qui a affirmé qu’il aurait fallu la changer si Pierre Beck avait été acquitté ? Le co- président d’Exit Suisse Romande , Jean- Jacques Bise . Comme il est juriste , je me sens obligée de réfléchir à cette phrase qu’ il a prononcée devant un journaliste de La Tribune après la sentence du TF qui renvoie Pierre Beck au tribunal cantonal de Genève tout en l’acquittant de l’accusation la plus grave , celle d’homicide . Rappelons- nous les faits : de quel crime est accusé le docteur Pierre Beck , qui était aussi vice- président de Exit ? Il a aidé un couple d’ octogénaires à mourir ensemble . Le mari a une maladie grave et incurable . La femme souffre de polypathologies liées à son âge – 86 ans . Elle n’en fait pas état , car sa motivation principale est d’accompagner son mari dans la mort . Ils sont mariés depuis 60 ans et elle ne se voit pas lui survivre . Le docteur Beck leur prescrit le médicament à tous les deux – ce que j’aurais fait aussi à sa place ( je ne suis pas médecin , donc je n’aurais pas pu le faire ) mais qui sommes-nous pour juger ? Et en quoi ce médecin courageux et humaniste aurait- il enfreint la loi suisse ? Il ne l’a pas fait pour des motifs égoïstes et la dame était lucide et capable de discernement . C’ est tout ce que demande la loi . Alors ? Exit a décidé d’inventer ses propres règles : il faut prouver qu’on est atteint d’une maladie incurable avec des souffrances intolérables pour avoir droit à un suicide assisté , même quand on est vieux . L’âge moyen en bonne santé est 63 ans , même en Suisse . Cette dame en avait 86 . Comment imaginer et oser dire et écrire qu’elle était en parfaite santé ? Juste parce qu’on ne se plaint pas de l’arthrite , de l’arthrose , de l’ ostéoporose ou même de l’anhédonisme qui accompagnent le grand âge , cela ne signifie pas qu’on n’en souffre pas . Je suis bien placée pour le savoir avec mes 78 ans accomplis . On s’accroche à la vie – même nous , les vieux – et il faut avoir du courage et de bonnes raisons qui nous sont propres à chacun de nous pour vouloir la quitter , la vie . Le médecin a agi avec humanisme et empathie . Lorsque je suis arrivée du Vénézuéla en 2006 et que j’ai assisté à ma première AG d’ exit Suisse Alémanique , j’y ai rencontré des personnes de la qualité d’ un Werner Kriesi , d’un Hans Wehrli , d’ une Elke Baezner , d’ un docteur en droit de St Gall , Petermann , si je me souviens , qui avait écrit tout un livre sur le Natrium de Pentobarbital . Plus tard , j’ai fait la connaissance d’ un Jérôme Sobel à Lausanne . Tous des battants . Tous se battaient pour l’ autodétermination des patients à la fin de leurs vies . J’ étais impressionnée et admirative et j’espérais que la France et que l’Allemagne allaient emboîter le pas aux Suisses . Eh bien , force est de constater que c’est l’Allemagne qui a fait le choix de légiférer en février 2020 à Karlsruhe et que la France reste immobile . Les associations suisses ? Mais que font- elles ? Elles ne veulent plus se battre et ne sont pas solidaires d’un des leurs , le docteur Pierre Beck , dernier vestige d’une époque révolue ? Avons- nous vraiment changé d’époque ? Simone de Beauvoir avait prévenu les femmes : «  soyez toujours sur vos gardes , car vos libertés ne seront jamais acquises « 

En va-t- il ainsi du droit à l’autodétermination de personnes âgées qui ne veulent pas prolonger leur vieillesse ? Allons- nous condamner et / ou intimider les médecins humanistes et bienveillants , qui sont prêts à nous aider ? Réveillons- nous avant qu’il ne soit trop tard .

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