La vieillesse est une maladie incurable

«La vie n’a qu’un sens: y être heureux. Si la vie n’est pas synonyme de bonheur, autant ne pas vivre» (Henri de Montherlant)

Lorsque Henri de Montherlant s’est suicidé à l’âge de 77 ans en se tirant une balle dans la gorge, il a été jugé sévèrement. Pourtant il était vieux et presque aveugle.

C’était en 1972. Aujourd’hui, en 2019 on ne condamne plus les suicides violents. Pourtant, il faut imaginer le traumatisme pour les proches, surtout pour ceux qui trouvent le cadavre.

Et pourtant le suicide médicalement assisté est interdit en France, à peine toléré en Suisse.

Pourquoi ne pouvons – nous admettre que des personnes qui arrivent au terme de leur vie demandent une aide pour pouvoir mourir en douceur?

Nous venons d’assister à deux procès en Suisse récemment. Aucun des deux n’avait lieu d’être.  Le docteur Erika Preisig à Bâle, tout comme le docteur Pierre Beck à Genève sont moralement irréprochables. Leur seul crime: avoir aidé des personnes âgées qui demandaient à mourir parce que leurs vies n’avaient plus de sens. La dame de Bâle était très claire dans ses déclarations réitérées devant ses proches et ses médecins. Très claire aussi dans le dernier vidéo tourné pour la police avant de mourir, dans lequel elle dit clairement sa volonté d’en finir avec une vie qui n’avait plus de sens à ses yeux.

La dame de 86 ans  à Genève, qui a voulu mourir avec son mari après 60 ans de vie commune, sous quel prétexte fallait- il la condamner à survivre à son mari atteint de leucémie et en phase terminale de sa maladie? Comment ose- t- on écrire qu’elle était bien portante?

A 86 ans, personne n’est bien portant.

Je suis bien placée pour le savoir. Voilà près de douze ans que j’accompagne des personnes en fin de vie pour l’ADMD en France. Très souvent, je ne fais qu’écouter et conseiller. C’est suffisant pour la plupart de ceux qui nous appellent. Ils se sentent rassurés lorsqu’ils savent qu’on pourra les aider le moment venu.

Les personnes atteintes de maladies incurables comme certains cancers et toutes les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, SLA, sclérose en plaques) peuvent être aidées en Suisse, pas en France. Je les ai souvent accompagnées dans ce dernier voyage qui était à la fois serein et triste. Je ne suis donc pas ce «  cas «  dont parle Jean – Jacques Bise et que Exit Suisse Romande ne pourrait jamais aider. J’ai certainement accompagné autant – si ce n’est plus – de personnes en détresse que lui. D’ailleurs je ne lui ai rien demandé.

Maintenant on se pose la question de la «  ligne rouge «  à ne pas franchir lorsqu’on accompagne un patient dans son dernier voyage.

Je peux répondre à cette question : chaque cas est différent et ce qui compte, c’est l’écoute attentive et intelligente du médecin. De celui qui écoute son coeur et sa conscience.

Cette décision n’est jamais prise à la légère. Elle est facile à prendre lorsqu’on se trouve face à un patient atteint d’une maladie visiblement incurable.

Quid de toutes ces personnes ayant atteint l’hiver de leurs vies? Souffrant des polypathologies qui accompagnent inévitablement la vieillesse? Ostéoporose, arthrite, arthrose, incontinence pour n’en énumérer que quelques unes…

Leurs souffrances n’étant pas visibles, on en déduit que ces personnes sont bien portantes.

On voit la façade, pas la plomberie.

Et mises à part les polypathologies, que penser du désarroi de cette dame de 86 ans qui ne veut pas survivre à son mari? Comment même penser à condamner le médecin courageux et humaniste qui l’a aidée?

En France, personne ne condamne les médecins qui n’osent pas utiliser les doses suffisantes de barbituriques pour appliquer cette fameuse sédation profonde et continue jusqu’à la mort autorisée par une loi  floue et ne prenant pas compte de la souffrance des patients et de leurs proches.

J’ose espérer que les intégristes suisses ne réussiront pas à empêcher les médecins humanistes de continuer à suivre leurs coeurs et leurs consciences. L’autodétermination d’un adulte éclairé et lucide, qui voit arriver la fin de sa vie, devrait être respectée dans tous les pays du monde.

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