La vieillesse est une maladie incurable

Narcissime et égoïsme

Depuis que j’ai commencé à tenir ce blog – idée d’un ami journaliste – j’y prends du plaisir malgré les critiques de certains lecteurs (surtout après l’interview parue dans Le Temps la semaine dernière).

On me reproche d‘être égoïste et de ne pas penser à la tristesse de mes proches. N‘est-ce pas plus égoïste d‘être à leur charge ? De les obliger à s‘occuper de moi alors qu‘ils ont des vies à eux ? Moi j’ai vécu. Maintenant, c‘est leur tour. Tant qu‘on est autonome et actif, on reste un interlocuteur intéressant pour ses proches. Lorsqu‘on ne fait plus rien et que l’on n‘est plus autonome, on devient un poids pour ses enfants – ou pour la société. Quand on a de l‘argent, on peut s‘offrir des infirmières et/ou des gens de compagnie. On peut entretenir des « escorts » ou des « gigolos ». 

Mais enfin, est-ce encore la vie ? Pour certains, oui. Pour d‘autres, non. Je ne porte aucun jugement. À chacun sa vie, à chacun sa vieillesse, à chacun sa mort.

En outre, être égoïste n‘est pas un défaut. Quand on sait se faire plaisir à soi, on est joyeux et on donne plus et mieux à son entourage.

Narcissique ? C‘est se mettre en scène pour impressionner les autres.

Je pense que nous le sommes tous un peu. De là à être amoureux de l‘image qu‘on projette, il y a un fossé immense. Je me trouve quelconque et mon histoire n‘a d‘intérêt que si d‘autres que moi s‘y reconnaissent. Si j‘incite les autres à réfléchir sur la vie, l‘ amour et la mort en leur proposant des résolutions qui sortent un peu des chemins battus, ce n‘est pas par narcissisme. Plutôt par solidarité. Si j‘ai trouvé une solution pour moi, je pourrais la garder secrète – comme me le suggèrent certains – ou la partager.

On m‘a aussi traitée d‘indécente. « Tu vieillis et tu meurs. Rien de plus normal. Pourquoi en parler ? »

Si j‘en ai parlé dans mon blog, je ne m‘attendais pas à une telle couverture médiatique.

Du coup, j‘en profite pour inciter tous ceux qui me lisent et sont plutôt d‘accord avec mes propos, à faire pression sur les législateurs français pour qu‘ils soient plus sensibles à la volonté des citoyens de France, ceux qui croupissent dans des hôpitaux ou des mouroirs. Pas tous ne veulent mourir – loin de là – mais simplement savoir qu‘ils le pourront lorsqu‘ils le voudront. Pourquoi est-ce possible en Suisse et en Belgique ? En France, on est encore obligé de s‘ exiler pour avoir accès à une mort rapide et douce. C‘est absurde. Les femmes peuvent mettre leurs enfants au monde sans souffrir, grâce à la péridurale. Ce n‘était pas prévu dans la Bible (tu enfanteras dans la douleur).

On est anesthésié avant une opération. On a le droit de choisir la date de l‘opération. On n‘a pas droit à l‘anesthésie avant de mourir. Pourquoi pas ? Car la date de la mort, on ne peut pas la choisir. Il y a quelques années, on ne savait pas si on allait mettre au monde un petit garçon ou une petite fille. Aujourd’hui, certains parents préfèrent ne pas le savoir. D’autres veulent peindre la chambre en bleu ou en rose. Ils préfèrent faire connaissance avec leur petit Nicolas ou leur petite Marie dès que possible. La mort est inévitable. Un moment qui peut être intense et beau. Ou bien la grande faucheuse au visage hideux qui vient nous arracher à la vie quand nous ne l’attendons pas et ne sommes pas prêts.

Mais nous pouvons choisir si nous voulons. Il suffit de décriminaliser les médecins prêts à nous aider. Aucun médecin n’y est obligé. Infliger à nos proches le spectacle d’un suicide violent est absurde et cruel pour tout le monde : celui qui meurt (ou qui se rate et se retrouve aux urgences) ainsi que pour ses proches.

J’écris dans un journal suisse mais francophone, en espérant que nos législateurs le liront depuis l’hexagone. Depuis 2005, on s’en remet à Jean Léonetti pour tout ce qui a trait à la fin de vie en France. C’est un opposant farouche au suicide assisté… pourquoi ne pas écouter la volonté populaire en passant au référendum, comme en Suisse ?

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