La vieillesse est une maladie incurable

Un temps pour vivre et un temps pour mourir

J’ai toujours su que j’étais une louve et que mes ancêtres venaient de Sibérie.

Je ne fais plus partie de la meute et le temps est venu pour moi de mourir.

J’ai encore des choses à terminer, donc je me donne encore un an et six mois.

Je vais mourir à Bâle chez Lifecircle. Mon amie Erika Preisig, qui dirige cette association, posera la perfusion et je tournerai le robinet.

D’ici là, j’aurai revu mes fils, mes belles-filles et mes petits-enfants. On aura passé de bons moments ensemble. Enfin, je l’espère. Il n’y a pas de risque zéro et n’importe quoi peut arriver à n’importe qui à n’importe quel moment.

Je ne suis pas prête à vivre vieille trop longtemps. C’est chiant et répétitif. Tout ce qui m’attend, c’est de me déglinguer encore plus. A quoi bon ?

Je veux mettre à profit le temps qui me reste pour écrire un témoignage, des souvenirs aussi. Décrire le parcours tumultueux qui m’a mené de la Chine des concessions à la France et à la Suisse en passant par l’Allemagne et le Venezuela.

En France, on n’a pas le droit au suicide assisté si on a la maladie de Charcot.

En Suisse, le patient éclairé peut décider quand il a assez vécu – la seule condition étant qu’il soit lucide et capable de discernement. Il faut que la demande soit réfléchie, réitérée et qu’elle corresponde à une situation dont le pronostic est fatal.

La vieillesse est une maladie incurable dont le pronostic est toujours fatal. Je pense que c’est au patient adulte et capable de discernement qu’il faut laisser le choix de décider quand la somme de ses souffrances a dépassé la somme de ses plaisirs.

Chaque cas est unique et doit être considéré comme tel. Les associations suisses d’accompagnement au suicide forment des bénévoles qui ont la tâche de distinguer une dépression endogène d’une dépression circonstancielle, de comprendre un diagnostic médical et d’évaluer la durée de l’accompagnement qui peut aller d’une semaine à plusieurs mois selon la gravité de la maladie et la décision libre du patient éclairé.

J’ai été formée à l’accompagnement par Exit en Suisse et je fais de mon mieux pour accompagner des patients français en les écoutant et en les conseillant. C’est souvent tout ce qu’ils demandent : être écoutés en sachant qu’ils pourront un jour appuyer sur la touche étoile, ce qui est interdit en France.

La Suisse est plus réaliste, plus pragmatique et beaucoup plus humaniste. La mort n’y est pas un sujet tabou. Et tout comme aucune femme n’a jamais pratiqué une IVG de gaîté de cœur, aucun mortel ne se résout de gaîté de cœur à mourir. Pourquoi vouloir ajouter une souffrance inutile à ce moment inévitable de notre vie qu’est la mort ?

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