Les premières victimes du spécisme

Passer leur vie enfermés entre les quatre parois d’un box, les cochons n’aiment pas bien ça. Les veaux, quant à eux, pleurent comme des bébés qu’ils sont lorsqu’on les sépare de leur mère pour les expédier à l’abattoir. Enfin, les poussins mâles apprécient moyennement quand les sexeurs les balancent vivants dans une broyeuse sous prétexte qu’ils sont infoutus de pondre un oeuf. Et pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, les premières victimes du spécisme ne sont autres que les poissons.

Être la principale victime du spécisme, ça n’est pas rien. Pas moins de 65 milliards d’animaux terrestres sont abattus chaque année pour l’alimentation humaine. Deux mille par seconde, soit 40 000 depuis que vous lisez cet article. Mais si ces chiffres vous impressionnent, vous n’avez encore rien vu. D’après l’estimation la plus basse, 600 000 poissons sont morts dans les filets des pêcheurs durant le même laps de temps.

Ce nombre a quelque chose de glaçant. Et les conditions du massacre n’arrangent rien à l’affaire. N’étant soumise à aucune réglementation, l’horreur de la pêche n’a franchement rien à envier aux dérapages routiniers médiatisés en France grâce à l’association L214. Les poissons dont les organes n’explosent pas du fait de la dépressurisation quand ils sont violemment extirpés du fin fond des océans agonisent parfois pendant des heures avant de mourir asphyxiés. Imaginez un instant la levée de boucliers que susciterait un abattoir dans lequel de jolis lapins seraient noyés de la sorte.

Mais voilà, les poissons ne sont que des poissons. Outre le peu d’empathie que nous inspire leur vilaine dégaine, les clichés dont ils font les frais ont la dent dure. On veut bien que les vaches aient des amis et les chimpanzés une espèce de conscience de soi, mais les poissons ne se souviennent même pas qu’ils ont tout oublié. C’est bien connu.

Qu’à cela ne tienne! L’association antispéciste romande PEA (Pour l’égalité animale) compte bien redorer l’écaille de ces grands malaimés. Vendredi, à la veille de la Journée mondiale pour la fin de la pêche, elle organise deux évènements à ne pas manquer: le vernissage de l’exposition “Qui sont les poissons?” (dès 16h30, au Café des Volontaires) et une conférence de l’éthologue américain Jonathan Balcombe (à 19h, à Uni Mail, salle MS160). Passez-y donc me dire ce que vous en pensez!

(Illustration: Fanny Vaucher)

François Jaquet

François Jaquet est docteur en philosophie (UniGe). Spécialisé en éthique, il s'intéresse en particulier au statut moral des animaux. À ses heures perdues, il est un peu musicien et haltérophile. Il est l’inventeur d’une omelette végane qui ne plaît à personne.​

6 réponses à “Les premières victimes du spécisme

  1. Si son omelette vegan que personne n’aime est préparée de la même façon qu’il a rédigé ce texte, je suis sur de l’aimer.

    1. De rien pour les poissons.

      En ce qui concerne l’omelette, je comprends bien votre curiosité. Mais je préfère garder la recette secrète pour le bien de mes lecteurs et lectrices. J’espère que vous comprendrez…

      Quoi qu’il en soit, merci pour le lien. Cette omelette a l’air excellente et il se pourrait bien que je tente le coup un de ces jours. J’avoue qu’en bon flemmard, je n’utilise plus que l’équivalent allemand du VeganEgg, depuis que mon frère m’en rapporte de Berlin.

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