Et si les abeilles…

Intoxications d’abeilles: ça n’arrive pas qu’aux autres

Et si cela m’arrivait à moi aussi ? Eh bien oui, c’était le cas chez moi samedi dernier. La photo ci-contre illustre la situation que j’ai trouvée en arrivant à l’un de mes ruchers: la planche de détection des mortalités posée devant les ruches était tapissée d’abeilles mortes sur une largeur de 50 cm, soit la taille d’une entrée de ruche en pleine période de récolte. Un examen plus détaillé a montré qu’une partie des abeilles étaient encore vivantes et mourraient devant l’entrée de leur ruche dont on voit la planche d’envol 20 cm plus haut à droite sur la photo.

La collecte de ces abeilles a produit l’équivalent du volume d’un pot à miel de 500 g pour un poids de 140 g. Une poignée d’abeilles mortes, est-ce si donc grave? Qu’est ce que cela représente sur les milliers d’individus que compte une colonie? Je n’étais pas loin de banaliser l’affaire, avant que je ne me penche plus en détail sur la question. Avec un poids moyen de 80 à 100 mg, ces 140 g d’abeilles représentent environ 1500 individus, soit le 5% d’une colonie de 30’000 avettes. Cinq pourcents, c’est aussi la proportion de butineuses d’une colonie en pleine saison de butinage:  ce serait donc l’équivalent de la population totale de butineuses d’une colonie de cette taille qui serait ainsi étalée sur la planche de détection!

Le soupçon d’une intoxication aiguë s’impose donc comme une cause possible, voire probable.

Et si ce n’était pas la première fois? L’emplacement compte cinq colonies récemment introduites au début avril, car l’automne dernier les ruches avaient été retrouvées vides, désertées de toute abeille à la fin du mois d’octobre sans explication! Et c’était la seconde fois que cette mésaventure m’arrive depuis que j’ai des abeilles à cet emplacement. L’agriculteur qui exploite les terres où se trouve le rucher est hors de cause, il est en bio et est un ennemi convaincu des pesticides. Il exploitait d’ailleurs lui-même ce rucher il y a quelques années et est fort conscient de la problématique des empoisonnements.

Mais son exploitation est petite et entourée d’agriculteurs aux pratiques plus agressives. Le colza est actuellement en fin de floraison, comme les arbres fruitiers de la région, toutes cultures qui subissent de multiples traitements durant l’année. Et avril-mai, c’est bien connu des apiculteurs, c’est la saison des empoisonnements d’abeilles. Le service sanitaire apicole (SSA) a d’ailleurs émis récemment un avertissement à l’égard des producteurs intitulé: “La plupart_des_intoxications d’abeilles_ont lieu en_avril_et en mai“.

Aura-t-on un jour une explication? Les abeilles récoltées seront analysées. Les chances d’obtenir une explication, voire une confirmation d’intoxication sont maigres. En effet, pour détecter ces produits mortels pour les abeilles en doses infinitésimales, il faut des conditions idéales de collecte du matériel, car ils se dégradent très vite. Il faut aussi qu’il s’agisse d’un produit inscrit à la liste des quelques 500 molécules testées, la plupart des produits interdits n’étant même plus recherchés. Les situations avec des indices tels que ceux récoltés dans ce cas sont plutôt rares, car dans la majorité des cas d’empoisonnement aigu les abeilles ne rentrent même pas à la ruche. Quant à identifier l’auteur à l’origine d’une intoxication dans un rayon de plusieurs km autour d’un rucher, les chances sont encore moindres.

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