Et si les abeilles…

…nous apprenaient à voler…

C’est l’un des secrets le mieux gardé de la vie des animaux: nous comprenons mal comment volent les abeilles et les insectes en général. En effet, appliquant les lois de l’aéronautique, les scientifiques sont arrivés dans les années 1930 à l’étonnante conclusion que voler était  “en théorie impossible pour les insectes.

…et pourtant,ils volent ! ne peut-on pas s’empêcher de répondre en paraphrasant une citation attribuée à Galilée. Cette formule résume pourtant bien les faits. Dans le cas du mouvement des planètes, si nos perceptions sensorielles ne confirment pas la théorie des astronomes de la Renaissance, leur théorie n’en n’est pas moins correcte, alors que  nos sens sont pris en défaut. Ici, c’est l’inverse, avec des faits que l’on ne se saurait

Fig. 1 Effet de portance (Wikipedia)

remettre en question : tout comme les oiseaux, les chauves-souris et les avions, les insectes volent bel et bien. Par conséquent, force est  d’admettre que la théorie est soit incorrecte,  soit incomplète ou carrément fausse.

Où le problème se situe-t-il donc? Il y a en fait deux obstacles. Le premier est le poids de certains insectes, comme les bourdons, qui sont trop lourds par rapport à la portance de leurs ailes. Le second est plus sérieux. Selon nos ingénieurs, lorsqu’une aile fend l’air, elle génère des déformations de la masse d’air, différents sur les faces inférieure et supérieure de l’aile, qui résultent en un effet de poussée vers le haut appelé “portance” (fig 1.).  L’intensité de cet effet dépend de l’angle d’attaque de l’aile dans l’air. Il est maximal à un angle de 15° (Fig. 2). Au-delà, la portance diminue pour subitement disparaître au-delà d’un angle de 25°. Dans cette situation, l’avion “décroche” (Fig. 3) et tombe si le pilote n’est pas en mesure de le rétablir. Le décrochage est encore de nos jours une cause fréquente de tragédies aériennes.

Fig. 2 Portance et angle d’attaque

Fig. 3 Décrochage

 

…et ne décrochent pas…

Les abeilles (et les insectes en général), ont un angle d’attaque très supérieur à 25° elles ne décrochent pas, ce qui est particulièrement surprenant et incite les physiciens à questionner leurs théories. En plus, les insectes sont capables d’effectuer du vol stationnaire, ce qui est impossible aussi bien en théorie qu’en pratique, car la portance dépend aussi de la vitesse de déplacement.

Comment les insectes font-ils donc pour défier les lois de la physique ? Cette question est longtemps demeurée une énigme pour les scientifiques. A la différence des oiseaux dont le vol obéit aux théories classiques de l’aéronautique et qui battent des ailes de haut en bas, les insectes propulsent leurs ailes d’avant en arrière et les ramènent vers l’avant, tout en effectuant des mouvements de rotation de l’aile autour de son point d’attache. Ils créent ainsi un tourbillon d’air sur le bord avant de l’aile, qui dans les conditions de mécanique des fluides dans lesquels ils évoluent leur donneraient une impulsion supérieure vers le haut. Chez les moustiques on aurait même un second tourbillon à l’arrière de l’aile. Ces conditions, des battements rapides (200-300 par seconde chez l’abeille domestique) sont simulées par des modèles d’insectes étudiés dans des milieux très visqueux, tels que des huiles, de sorte à reproduire les mouvements des insectes dans l’air.

Si la théorie des tourbillons autour de l’aile de l’insecte est aujourd’hui admise, tous les détails n’en sont pas encore compris et périodiquement on peut lire dans la presse spécialisée un titre sensationnel annonçant un progrès important dans ce domaine. En juillet dernier, ce sont des mathématiciens qui ont relancé le débat, avec une modélisation et des résultats suggérant que le vol des insectes, y compris la position stationnaire pouvait se comprendre sans faire appel à la notion de décrochage, ni à celle de portance supplémentaire résultant des tourbillons d’air.

Nul doute que de nouveaux progrès seront faits au fil des ans et espérons qu’il subsistera suffisamment d’insectes pour nous permettre de comprendre ce mécanisme qui pourrait engendrer de riches applications dans le futur. Notons également que certains oiseaux sont également capables de vol stationnaire, comme les colibris, ou quelques rapaces de nos régions (faucon crécerelle, buse).

Sources:

 

 

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