Les Américains

Rencontre intimiste avec le réalisateur Michael Moore

“Tout citoyen américain devrait voir ce film.” Dans une salle de cinéma de l’Upper West Side de Manhattan, mon voisin est catégorique. Le dernier film de Michael Moore, “Where to Invade Next (A quand une nouvelle invasion)” qui devrait sortir le 12 février prochain dans les salles obscures des Etats-Unis (il y aura des projections à New York et Los Angeles dès le 23 décembre dans l’optique des Oscars. Le film a été “short-listé”), est décapant.

Le réalisateur de “Bowling for Columbine”, de “Fahrenheit 9/11”, de “Sicko” et de “Roger and Me” tend un miroir à l’Amérique en “envahissant” plusieurs pays européens et un Etat nord-africain. La technique est bien rôdée. En Italie, il joue les Américains interloqués quand il entend que les Italiens ont droit à cinq semaines de vacances payées par an, à un treizième salaire et à un congé maternité. En France, il est admiratif de la culture de la cuisine saine dans une cantine scolaire du nord de la France. En Slovénie, il admire le système de formation où l’inscription à l’université ne coûte pas 50 000 dollars par an comme aux Etats-Unis. Elle ne coûte rien. Il tresse des louanges à l’Allemagne pour le formidable travail qu’elle a accompli sur son passé (Vergangenheitsbewältigung) et souhaiterait que l’Amérique en fasse de même avec l’esclavage et la ségrégation raciale. Il tombe des nues en apprenant que les élèves finlandais n’ont pas de devoir à la maison. Il s’émerveille quand il découvre le système carcéral norvégien axé sur la réhabilitation et que des meurtriers peuvent évoluer dans un environnement carcéral très ouvert. Il est fasciné par la sagesse du président islamiste d’Ennahda en Tunisie, Rached Ghannouchi, qui renonce au pouvoir par “choix éthique” et par l’existence de cliniques où les Tunisiennes peuvent avorter.

Le film de Michael Moore est généreux. Le réalisateur américain l’a souligné lors de la projection privée: “I only pick the flowers, not the weeds”. Il ne s’intéresse qu’à ce qui marche dans les pays visités et non aux problèmes dont il a conscience. Il rappelle aussi que les idées qui marchent en Europe furent aussi un temps des idées américaines… Avec ses voisins de l’Upper West Side, Michael Moore est aussi généreux. Facilité d’accès et de contact, il a voulu faire plaisir à ses voisins, nombreux, habitant dans son immeuble. Pour partager son aventure cinématographique, il a organisé un buffet au cours duquel il a parlé spontanément, sans filet, de sa vision des Etats-Unis, de l’Europe et du monde et de ses espoirs. J’ai eu le privilège d’assister à cette soirée simple, conviviale. En voici quelques extraits vidéos.

Michael Moore a laissé tomber trois pays dans son film: l’Estonie, où une mère a trois fois moins de chance de mourir en accouchant qu’aux Etats-Unis, l’Autriche où l’âge de vote a été abaissé à 16 ans, et le Canada où le système de vote est toujours rudimentaire, mais fiable.

Michael Moore a été très impressionné par l’Allemagne et le travail qu’elle a accompli sur son passé. Si les Etats-Unis en faisaient de même, le pays serait dans une meilleure situation qu’aujourd’hui, dit-il:

Michael Moore refuse la notion du “bon vieux temps”. Il se souvient du jour où Martin Luther King a été assassiné, le 4 avril 1968. C’était un Jeudi saint. Un habitant de Flint, où il habitait, venait d’entendre la nouvelle à la radio dans sa voiture. Il cria que le leader des droits civiques était mort et la foule à la sortie d’une église catholique exprima une certaine joie.Le réalisateur de “What to Invade Next” n’avait que treize ans. Il fut traumatisé:

Michael Moore est toujours très incisif dans ses films. Aux Etats-Unis, il a déjà fait l’objet de multiples menaces:

Le réalisateur de “Bowling for Columbine” aborde la question des armes à feu aux Etats-Unis:

Quant aux policiers et les dérapages dont ils se sont fait les auteurs dans le cadre de la mort d’Eric Garner à New York, Tamir Rice à Cleveland ou encore Laquan McDonald à Chicago, Michael Moore nuance. 5% d’entre eux sont sans doute “horribles”:

Pour Michael Moore, les Européens ne sont pas différents des Américains. Ils ont aussi 23 chromosomes. “Les Français ne sont pas meilleurs que nous. Les Norvégiens ne sont pas meilleurs.” Mais ils pensent plus en termes de “nous” et non de “je”. Ils se soucient de ceux qui passent entre les mailles du filet social. La couverture médicale en Europe est universelle. Le réalisateur américain fait même l’éloge du président d’Ennahda, le parti islamiste tunisien, Rached Ghannouchi:

Michael Moore déplore le fait de constater que la Motion Picture Association of America a fixé la limite d’âge à 17 ans pour pouvoir voir son film “Where to Invade Next”. Or à ses yeux, tout adolescent devrait pouvoir le voir. Il explique aussi pourquoi Donald Trump ne réussira pas à conquérir la Maison-Blanche:

Ici, Michael Moore explique comment il travaille. En réalité, ses producteurs ne l’informent que de façon minimale des lieux où le tournage va se dérouler. Objectif: Michael Moore veut être filmé quand il exprime le même type de réaction que le public qui visionne son film pour la première fois:

Le réalisateur estime que l’égalité des droits pour les femmes n’est pas garantie et qu’il convient de la codifier dans la Constitution:

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