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Mitt Romney, le “comeback kid”?

234961115La retraite politique ne sied manifestement pas à Mitt Romney (photo Julio Cortez/AP/Keystone). Peu après sa défaite contre Barack Obama lors de l'élection présidentielle de novembre 2012, le républicain de Boston avait donné l'impression d'avoir tiré un trait définitif sur la possibilité d'accéder un jour à la Maison-Blanche. Aujourd'hui, il émet des signaux laissant entendre qu'il veut effectuer une troisième tentative d'accéder à la présidence de la première puissance mondiale après 2008 (il fut battu lors des primaires républicaines) et 2012. A New York il y a quelques jours, il l'a déclaré sans réserve à un groupe de donateurs: "Je veux être président".

Ces derniers jours, il vient de réactiver ses réseaux d'amis politiques et de bailleurs de fonds. D'après les médias américains, il se positionnerait cette fois à la droite du candidat potentiel Jeb Bush. Ce choix de positionnement stratégique résulterait d'un constat: face au centriste Barack Obama, Mitt Romney aurait peut-être eu plus de chance de jouer la carte conservatrice et "small governement (Etat minimal)" que d'essayer d'empiéter sur les plates-bandes du démocrate. Si Mitt Romney devait se droitiser, un tel changement de cap ne serait pas sans danger. Mitt Romney fut certes le patron de Bain Capital, une société de capital-risque, mais le Bostonien s'est toujours présenté, à l'exception peut-être des primaires 2012, comme un républicain de l'establishment, plutôt modéré. Quand il était gouverneur du Massachusetts, il s'était distingué en collaborant parfois étroitement avec les démocrates. C'est ainsi qu'avait vu le jour Romneycare, la réforme de la santé qui servit de modèle pour l'Affordable Care Act ou Obamacare. Jouer à l'avenir la carte conservatrice pourrait valoir à Mitt Romney d'être à nouveau qualifié de girouette. C'est l'un des principaux reproches dont il a fait l'objet lors de la campagne électorale de 2012. Par ailleurs, si le Tea Party a réussi à secouer le Parti républicain, il a aussi montré ses limites. Il a perdu du terrain lors des élections de mi-mandat de novembre dernier. Cet ancrage à droite semble par ailleurs d'autant moins naturel que Jeb Bush, le frère de "W.", a déjà fait savoir qu'il était sur le point de se porter candidat. Or il se présente comme un républicain modéré qui a beaucoup évolué depuis ses prises de position à l'emporte-pièce des années 1990. Aujourd'hui, il voit les clandestins comme des gens qui déclarent leur "amour pour l'Amérique" et estime que les Etats, dont la Floride, se doivent d'appliquer les décisions de la Justice autorisant le mariage gay. Aller à contre-courant de Jeb Bush, qui s'est mis au goût du jour de l'Amérique d'aujourd'hui semble constituer un risque peu calculé.

Une troisième candidature de Mitt Romney pose une autre question qui n'a rien à voir avec son positionnement stratégique: le républicain est-il vraiment fait pour le poste? Un documentaire diffusé après sa défaite électorale de 2012 intitulé "Mitt" offrait un regard très intimiste sur la manière dont le républicain a vécu la campagne électorale.Le Bostonien se livrait à la caméra sans arrière-pensée, avec une honnêteté parfois désarmante. Du film, il ressortait comme un homme très sympathique, mais dépourvu d'une réelle volonté de devenir président. Aujourd'hui aurait-il changé sur les conseils de proches? Le doute est permis.

Mitt Romney dit vouloir par ailleurs remettre les Etats-Unis sur le droit chemin de la croissance économique. En pleine campagne électorale, il ne cessait de brandir le mauvais bilan économique de Barack Obama et promettait que s'il était élu président, il abaisserait le taux de chômage à 6% après son premier mandat. Aujourd'hui, deux ans après le scrutin présidentiel, les Etats-Unis affichent un taux de chômage de 5,6%. La réduction du nombre de sans-emploi est considérable. En 2010, l'Amérique connaissait un taux de chômage de 10%. Quant à la politique étrangère, Mitt Romney promet qu'il réaffirmera le rôle de l'Amérique dans le monde. A son crédit, il avait relevé que la Russie était l'ennemi géostratégique numéro un, suscitant à l'époque la risée des commentateurs. Vladimir Poutine, le maître du Kremlin a exaucé pour ainsi dire les voeux de Mitt Romney en annexant la Crimée et en laissant des troupes russes semer le trouble dans l'est de l'Ukraine. Mais alors que les sanctions décrétées par l'administration Obama et l'Europe sont en train d'acculer la Russie de Poutine et d'aggraver la crise économique qu'elle traverse, beaucoup se demandent ce qu'aurait été la politique "russe" de Mitt Romney: une confrontation militaire directe? Personne n'ose y croire.

 

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