Un exemple: en mars 1945, Allen Dulles, chef de la station de l'OSS (Office of Strategic Services) à Berne – il deviendra le premier civil à diriger la CIA -, rencontre dans la bibliothèque d'un appartement zurichois le général nazi Karl Wolff, l'associé le plus proche du chef des SS Heinrich Himmler pour une bonne partie de la guerre. A la suite de la conversation arrosée au Scotch, Allen Dulles est convaincu que Karl Wolff (photo Keystone) mérite une protection malgré ses liens avec Himmler et son rôle majeur au sein de la Waffen-SS. Deborah Liptstadt raconte que lorsque les procureurs du tribunal de Nuremberg ont cherché à juger Wolff, l'un des plus hauts dignitaires des SS à avoir survécu, Allen Dulles a agi pour faire rayer son nom de la liste des accusés. Et pendant sa détention par les alliés, il pouvait utiliser un yacht, passer du temps avec sa famille et était autorisé à porter une arme à feu.
Parmi les nazis venus aux Etats-Unis figuraient plus de 1600 scientifiques. Certains d'entre eux avaient pourtant développé les gaz utiliser dans les chambres à gaz des camps de concentration, d'autres ont effectué des expériences sur des détenus. Face à une telle politique d'accueil, le Département d'Etat protesta. En vain. La CIA et le FBI recrutèrent d'ailleurs parmi des personnes qui avaient participé au génocide. Dans les années 1980, elles firent tout pour empêcher le Département de la justice (DoJ) de mener son enquête pour traquer les criminels de guerre. L'ex-candidat à la présidentielle et membre de l'administration de Ronald Reagan, Pat Buchanan, dénonça à l'époque la chasse aux sorcières menée par le DoJ, estimant qu'il faisait le jeu des Soviétiques. Beaucoup de nazis, explique Erich Lichtblau, réussirent à se glisser dans la peau de réfugiés pour s'installer aux Etats-Unis.